Le ballottement du bateau est infernal. Tucker a d’ailleurs préféré ne rien avaler pour essayer de réduire le risque de vomissement. Mais plus le mouvement du bateau traine sur la longueur, plus celui-ci se dit que la connerie venait bien du fait d’être là. Est-ce qu’il l’avouerait ? Bien sûr que non. A cent pour cent dans sa connerie. Hors de question de s’avouer vaincu. Mediator entre les doigts, Tucker repose sa main droite sur le sol comme si avoir un contact supplémentaire suffirait à faire passer cette impression de tournis. Lorsqu’il entend son prénom, son regard se détourne du vide pour se poser sur Olivia.
- J’avais oublié que l’amabilité était surfaite de nos jours, un peu de compassion Madame La Cuistot ! Je ne vais pas vomir !
Convaincu. Sans trop l’être, au fond. De toute façon, l’information sur le nettoyage était bien présente dans son esprit. Hors de question qu’il nettoie une chose qui sortait de son corps de cette manière. Et puis… il pourrait tenter une course approximative pour rendre son estomac par-dessus bord… Bien que Tucker comptait bien rester au milieu du pont, il avisa la place assise qu’Olivia lui indiquait. Trop proche de l’eau à son gout.
- Prendre le risque de passer par-dessus bord sans savoir nager, je préfère me dépenser inutilement.
Grommela le musicien. Avant de prendre la décision de se redresser avec lenteur à peine quelques secondes plus tard. Par esprit de contradiction et par plaisir de se plaindre. Tucker avança vers le groupe pour s’asseoir, le malaise bien inscrit sur son visage. Elles papotent déjà de famille et d’enfant, sujet loin d’être le plus attrayant pour le célibataire éternel qu’est l’ancien Manager. Le pic de Quinn lui fait toutefois lever les yeux vers elle. Nima et Frances sont importantes pour lui et il est vrai qu’elles s’apparentent souvent à une tante et une mère étant donné la façon dont elles le reprennent à l’ordre.
- Nima et Frances ne sont pas ma mère et ma tante. D’autant plus qu’elles m’auraient sûrement attachés à un arbre si elles avaient su que j’étais là.
Au vu de la façon dont Nima avait pu le regarder en embarquant, il était persuadé qu’elle allait lui coller une droite derrière la tête à son retour. Mais les jeunes femmes restaient tout de même ce qui se rapprochaient le plus de sa famille en plus d’Adrian, son père. Quant aux enfants, il n’en avait pas mais les adorait. Certains disaient d’ailleurs qu’il s’agissait probablement la raison d’une activité soutenu dans l’art de les concevoir. Mais Tucker n’est pas stupide, il sait que ce n’est qu’une pique de plus, piques qu’il entendait tous les jours sans exception.
Tucker posa son instrument à côté de lui, écoutant bien malgré lui les quelques conseils pour sa nausée. A la vue d’une gourde devant son nez, le brun affiche un sourire bien que la rousse ne lui adresse pas un regard. Attrapant celle-ci, il ajouta avant de prendre une gorgée.
- Merci. Combien de temps avant d'arriver ? Que je sache si je dois me nourrir ou non.
Je peux devenir très aimable quand on écoute mes judicieux conseils, tu sais ? Que je lui souffle avec un regard de circonstances, un sourire mutin en prime pour recommencer à le taquiner. De toute façon ce que je lui ai dit avant tient toujours : s'il vomit, je ne nettoierais pas pour lui, il s'en occupera tout seul. Le problème étant que le vomi attire le vomi, et qu'il y a possiblement une surenchère rapidement sur le navire. Ramène ta fraise, que j'ajoute rapidement.
La conversation se lance de toute façon entre nous tous, et avec Tucker qui en prend un peu pour son grade, j'ai un rire qui m'échappe. Je ne peux pas m'empêcher de l'imaginer ligoter au mat du navire, la tête en bas. S'il continue à ne pas nous écouter, c'est probablement ce qu'on fera à terme, des fois que. Ta sœur ? C'est Harper, c'est ça ? que je souffle à Violet finalement en reportant mon regard sur elle. La jeune femme est là depuis un petit moment, d'ailleurs. Je crois qu'on ne parle pas assez de ton frangin, toi, en revanche ! Tu sais de qui elle est la petite sœur ?
Je donne un petit coup de coude à Vi, pour me mettre à côté d'elle finalement : Un sportif qui faisait la couverture des magazines ! Et elle le cache jalousement pour qu'aucune fille essaie de le draguer, j'ai un sourire amusé pour taquiner Quinn. Je sais que son absence lui pèse sur le moral, mais je ne parlerais pas de lui au passé pour ces raisons : Je suis sûre qu'on aura bientôt de ses nouvelles ! J'aime faire preuve d'optimisme, surtout pour ça. Il est débrouillard, il s'en sortira.
Quant à Tucker et Quinn qui s'interrogent, je hausse les épaules en m'accoudant au bastingage : De ce que Tomas m'en a dit, la zone est en cours de nettoyage, ça n'est pas encore ça mais ça s'améliore de jour en jour, à nouveau, de l'optimisme. Après, ça reste très risqué, mais comme je n'ai jamais vu l'endroit, je ne peux pas vous dire précisément ce qu'il en est, malheureusement. Mais nous le serons bien assez tôt : On en a encore pour bien cinq heures, selon les vents, pourvu qu'ils ne passent pas cinq heures à vomir, par contre.
We're all stories in the end, just make it a good one
Difficile de me dire que manger un truc va m'aider à ne plus avoir le mal de mer. Mais j'imagine au moins qu'avec un truc dans l'estomac à régurgiter, ça me fera toujours moins mal que de sortir la bile acide qui s'y trouve. Alors en un sens, c'est peut-être pas une si mauvaise idée. En tout cas, quand j'ai fini de nourrir une nouvelle fois les poissons, je me redresse en m'appuyant sur le bastingage et m'essuie à nouveau la bouche du revers de ma manche. Ouais, c'est dégueu, mais j'ai rien d'autre à disposition là. Et puis c'est pas comme si j'avais fait la toupie en gerbant non plus. Je m'en suis pas foutu partout. Bref.
Je hoche la tête à la question posée par Liv sur l'identité de ma sœur et lâche un petit soupir ironique. Ouais, c'est elle. Et si tu la connais, tu vois de quoi je parle alors. Elle a besoin que je la laisse respirer alors que moi je veux veiller sur elle comme j'ai pas pu le faire quand on était séparées. Du coup, ça fait encore plus d'étincelles que d'habitude. Super quoi. Mais quand la brune mentionne le frère de Quinn, je hausse un sourcil sans savoir de quoi elle parle. J'ai pas la moindre idée de qui il est et me contente de hausser les épaules en me disant qu'il doit s'agir de quelqu'un du camp.
Sauf que non. J'apprends qu'il s'agit d'un ancien sportif assez populaire pour faire des couvertures de magasines. Sans pouvoir m'en empêcher, je siffle mon étonnement. Eh, cachottière, fais partager non? Je rigole après ma phrase, pour bien signifier que je plaisante. Enfin, à moitié. Si c'était un beau gosse, franchement, je vais pas cracher dessus. Bref.
***
Je sais pas combien d'heures se sont écoulées. A en juger par la luminosité qui a forcément évolué à mesure que le jour avance, on doit pas être loin des cinq heures dont a parlé Liv tout à l'heure. Heureusement pour moi, au bout d'une heure mes nausées ont fini par s'estomper. Et si je suis pas encore au point de pouvoir dire que je supporte sans soucis la voie maritime, au moins je suis capable de mettre un pied devant l'autre et pas avoir envie de repeindre le pont.
Appuyée contre le bois du bastingage, j'observe l'horizon et prends une grande inspiration. Ça m'avait manqué quand même, un peu, les voyages en mer. Même en état malade. Un comble, je sais. Et c'est là que je me souviens de ce qu'on faisait à l'époque quand on se retrouvait sur l'eau. Le sourire aux lèvres, je rigole un peu sans savoir si je suis toute seule ou si quelqu'un est près de moi. J'ai pas fait gaffe, j'étais trop dans mes pensées.
Si j'avais une canne à pêche, j'aurais pu choper quelques poissons en route. La pêche en haute mer, ça me connaît.
Elle ne peut s'empêcher d'étouffer un rire devant l'autorité de Liv, alors que Tucker s'y plie sans trop se plaindre. Esquissant un sourire complice à la cuisinière, haussant les épaules quand le brun assure que ni Frances, moins encore Nima, ne sont ses mères de substitutions. Estime toi heureux si tu reste en vie en rentrant. Ni l'une ni l'autre n'ont l'air commode...
Mais la remarque de Liv à l'encontre de son frère lui arrache un sourire timide, baissant brièvement le regard alors qu'elle ne se gêne pas pour en faire un portrait élogieux, précisant même ce qui était assez vrai. Cette volonté de le garder caché aux yeux des autres. Je plaide coupable, je suis la petite soeur chiante. qu'elle admet avec un sourire, non sans sentir son coeur se serrer à l'idée de n'avoir aucune nouvelle. Souriant pour remercier Liv qui assure que les nouvelles arriveraient bientôt, avant de rire à la remarque de Violet. Il est très beau, mais bourré de défaut, je te préviens ! Au moins, rire de lui comme s'il était sûr qu'elle le verrait au lendemain débarquer, avait quelque chose de réconfortant. Il allait sans dire...
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Les cinq heures étaient finalement passées vites, si l'on omettait le moment ou elle avait dû menacer Tucker de se nourrir par la force s'il refusait encore à manger quoi que ce soit. Revenant sur le ponton en observant l'horizon, esquissant un sourire à la remarque de Violet.
Mon grand père adorait ça. Il aimait beaucoup moins quand je rejetais les poissons à la mer par contre. Un sourire ourlant ses lèvres à ce souvenir, avant de se défendre face au regard du trio à ses côtés. J'avais huit ans, hein. Mais j'aurai sans doute continué longtemps, s'il n'avait pas arrêté de m'emmener. Elle avait même tenté d'être végétarienne à une époque, mais ça n'avait pas tenu longtemps. La nausée est passée ? demande t-elle au brun et à Violet, avant de reprendre à l'attention de Liv.
Si le voyage ne nous pas à épuisé, on pourrait essayer de faire une petite soirée en arrivant. Histoire de fêter ça ? Un feu, de quoi manger. Ca pourrait changer les idées de tout le monde, en prévision d'une bonne nuit de sommeil.
Ce sera donc non pour la nourriture. Cinq heures, ça ne devrait pas être trop complexe. Du moins, c'est ce que Tucker tente de se convaincre sans forcément se dire que manger lui ferait plus de bien que de mal. Le brun retint toutefois les informations d'Olivia. Il fallait être prudent. Est-ce qu'il le ferait ? Bien sûr que non. C'était ne pas connaitre Tucker que de penser qu'il n'agirait pas de façon démesurer. Pour autant, les nombreux mouvements du bateau, nombreux problèmes de nausées eurent raisons du caractère du brun. Calme, bruit de gorge et d'estomac peut appréciable mais relativement invisible pour une fois.
* * *
Pour autant, sur les cinq heures restantes, Tucker refusa de se nourrir et ça, jusqu'à ce que Quinn ne vienne à le menacer. Il aura fallu un bon moment avant qu'il ne se résigne finalement à avaler quelque chose. Tucker se rapprocha finalement de Violet, Quinn et Olivia mais resta à environ un mètre des bastingages. Pas folle la bête. Les discussions semblaient plus légères et Tucker se tourna avec le reste des demoiselles à l'anecdote de Quinn, qui se défendit rapidement.
- Te justifie pas. Je trouve ça adorable... Moins pour ton père mais c'est mignon.
De son côté, la pèche n'était pas vraiment son truc. Après tout, il fallait rester silencieux et, d'un rapide coup d'oeil, il était simple de voir que Tucker en était pratiquement incapable. Avec l'estomac moins vide, la nausée était effectivement passé mais l'avouer à la rousse ? Non. Ce serait lui dire qu'elle avait raison. Hors de question. Tucker hocha toutefois la tête, confirmant les faits malgré tout.
- Je suis partant. Pas sûr que je reste jusqu'à l'aube mais...
De quoi effacer temporairement les mouvements de l'eau et du bateau. Les potentiels soucis de noyade involontaires. De quoi passer une soirée correcte avant de mourir dans son lit. Et seul ce soir. Son estomac était un peu trop mouvementé pour tenter quoi que ce soit.
On est mieux sur la terre ferme, pas vrai ? que je leur souffle alors que nous venons tout juste d'arriver. Le bateau se pose près d'un ponton à peine rénové par nos soins, de quoi en tout cas gagner la terre ferme sans trop de difficultés. J'ai un sourire comblé. Si moi-même je n'ai pas eu le mal de mer, je suis quand même contente de pouvoir fouler le bitume pour de vrai, sentir l'odeur de l'herbe, de la terre humide, et tout ça. Alors, Quinn a la bonne idée de déjà nous proposer des festivités, et je ne peux qu'hausser les épaules en réponse, plutôt contente de l'idée.
Les autres sont également enthousiastes de toute évidence, et je ne peux m'empêcher de me dire qu'au moins, ça compensera le trajet un peu chaotique pour deux d'entre eux, qui risquent d'avoir sinon une mauvaise impression du séjour à Kitsap. Certes, ce n'est toujours pas des vacances, nous sommes là pour travailler... Mais l'idée dans ce genre de contexte, c'est de rendre le temps passé sur place suffisamment agréable pour ne pas avoir à en souffrir de trop : Ok, commençons à préparer les festivités alors ! Que je m'exclame dans la foulée, en entrainant Violet à ma suite. Il nous faut récupérer des provisions, tout descendre à quai et... Aviser !
FIN
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