Tout était parfait. La soirée après la cérémonie s’était déroulée sans qu’aucun élément perturbateur ne vienne troubler les festivités. Chacun avait finalement pu regagner son foyer avant que le couvre-feu ne nous y force. Pour certains, ce n’était qu’un autre mariage de plus qui se déroulait dans l’enceinte de Walla Walla. Pour nous, c’était un tournant décisif dans notre existence. Je venais de me lier à Jena, pour le meilleur et pour le pire. Le lendemain, elle devrait quitter son logement dans le District 4 afin de venir habiter ici, avec sa fille. Et, à peine quelques semaines ensuite, ce serait à Lynn de partir.
Tous ces changements me donnaient presque le tournis. J’avais l’impression qu’on me privait de ma fille, après m’avoir arraché ma femme. En l’espace de quelques mois à peine, il avait été nécessaire pour moi de me remarier, afin d’espérer qu’on me rende mon fils à peine né. En passant les portes de mon propre foyer, j’avais l’envie étrange de me trouver partout ailleurs, comme dans les premières semaines qui avaient suivi le décès de Willow.
Je fis bonne figure jusqu’à ce que les filles partent chacune dans leur chambre. Il convenait que nous en fassions bientôt de même avec Jena, pour consommer notre mariage qui venait à peine de s’achever. Je n’échangeais que peu de mots avec elle en me rendant à l’étage, dans cette même pièce que je n’avais pas revu depuis si longtemps. Elle était affreusement froide. Je n’avais pas pensé à allumer le chauffage plus tôt. « Désolé. » Ce fut la première chose que je fis avant de refermer la porte derrière nous. Mon regard s’attarda sur tout ce qui constituait cette chambre. Lynn avait fait en sorte qu’elle soit toujours propre et bien entretenue, mais elle était surtout fidèle à l’image que j’en avais conservée. Je revins auprès de Jena avec un sourire incertain, avant d’effleurer sa joue d’une main. Elle était magnifique dans cette robe de mariée, d’un blanc pur. J’essayais d’occulter tout ce qui nous entourait pour me concentrer uniquement sur elle, mes lèvres venant lentement effleurer les siennes.
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Sujet: Re: Désillusion Ven 11 Mar 2022 - 10:26
Elle n’a pas vu défiler la journée. Tout a été un tourbillon d’émotions et d‘évènements, alors que la réception s’est déroulée sans accrocs. Elle a tendu le dos pourtant, nombreux étant ceux ayant une dent contre le militaire. Mais non. Soit ils n’ont pas osé se venger à son mariage, soit ils n’y ont pas pensé, ou bien, la présence de nombreux miliciens et militaires a été suffisamment dissuasive pour que personne n’ose faire quoique ce soit. Jena aurait tendance à privilégier la dernière piste. Mais au moins, aucun nuage n’est venu assombrir la journée qui a été presque parfaite. Même si, à de nombreuses reprises, la jeune femme n’a pu s’empêcher de songer à son mariage 15 ans plus tôt, en comité bien plus réduit, avec moins de moyens… Mais avec une passion dévorante pour son époux. Le mariage célébré à New Eden à l’été dernier était un mariage de convenance, avec un homme qu’elle estimait. Un ami. Pas de passion, juste du respect et de la tendresse, ce qui était déjà beaucoup.
Et avec River… Tout est encore à définir, elle en a conscience. L’obstacle majeur entre eux reste le spectre de Willow. Le deuil n’est pas terminé et il a perdu une femme à laquelle il a été attaché pendant une vingtaine d’années… Ce n’est pas rien. La situation est plus difficile pour lui que pour la psychologue. Elle ne se leurre pas. River l’apprécie, comme une amie, et la voit comme une mère de substitution pour ses enfants. Le moyen de récupérer son fils. Et le militaire est la clé pour élever Jena dans la société et avoir une vie plus confortable. Elle le tient en haute estime, malgré ses dérapages ou son caractère buté et sans merci. Ou peut-être parce que c’est un homme droit et fidèle à ses convictions qui les assume. Mais au-delà de ces aspects purement pratiques, ce serait mentir que de nier ressentir un frisson quand il l’embrasse. Pas le sage baiser de l’église, mais celui, moins contraint et plus sincère, une fois dehors. Elle regrette qu’il ne sourit pas davantage, cela lui va bien.
Mais une fois de retour à la maison, l’atmosphère s’alourdit. Si River s’est un peu déridé, emporté par l’enthousiasme de Jena et la présence bienveillante de ses proches, une fois revenu dans son repère, qui porte la marque de sa défunte épouse, c’est une autre paire de manche… Fugacement, Jena se fait la réflexion qu’ils auraient du aller ailleurs pour la nuit de noces… Dans un endroit plus neutre et moins chargé de souvenirs. Les filles partent se coucher et Lynn n’est surement pas ignorante de ce qui est censé se dérouler dans la chambre parentale cette nuit… Que ressent-elle à cette idée ? Mieux vaut ne pas y penser. La jeune mariée suit son nouvel époux jusqu’à la chambre et y pénètre, un frisson venant la secouer. De froid… Et peut-être d’autre chose. La chambre est propre, bien agencée mais… sans vie. Sans âme. Pour le moment. Elle a l’impression d’avoir pénétré dans un mausolée. Pas très agréable comme sensation. River fait le premier geste, caressant sa joue et posant ses lèvres sur les siennes. Sa chaleur chasse le froid, c’est agréable. Elle se presse contre son torse, ses doigts venant chiffonner sa chemise, alors qu’elle lui rend le baiser avec passion, balayant la pudeur qui a été sienne jusque maintenant. Elle se fait violence pour ne pas glisser ses mains sous la chemise afin de caresser la peau, ayant peur d’aller trop vite avec cet homme au cœur écorché.
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Sujet: Re: Désillusion Dim 13 Mar 2022 - 19:13
C’était étrange de me retrouver dans cette même chambre, en compagnie d’une autre que celle qui avait partagé ma vie pendant de longues années. Cette pensée me traversa désagréablement, au moment même où Jena vint se presser contre moi pour me rendre mon baiser. J’avais cette impression dérangeante d’être hors de mon corps, agissant de façon mécanique. Mes deux mains passèrent sur ses épaules pour en faire tomber la capeline en fourrure blanche. Sa robe de mariée faisait moins sage, sans cet artifice supplémentaire.
Je quittai ses lèvres pour venir goûter le creux de son cou, avant de descendre progressivement le long de ses épaules dénudées. Mes mains se refermèrent doucement à sa taille. Je savais ce qu’il convenait de faire ensuite, pour l’avoir fait des centaines de fois déjà. Et pourtant, je marquais un temps d’arrêt, quelque peu incertain. C’était à la fois si semblable et si différent. Jena était magnifique, parée de ses plus beaux atours pour l’occasion. Il fallait seulement que je parvienne à faire taire pour de bon cette voix qui, au fond de moi, clamait que j’avais bien vite remplacé ma femme à peine dans la tombe par une autre. Je pouvais me cacher derrière quantité d’excuses, comme le système qui voulait ça, ou encore le fait que Wilan ne m’aurait pas été rendu sans ce mariage… Mais je n’en avais, en vérité, aucune qui me semblait assez valable à mes yeux.
Je n’avais pas vraiment envie d’être ici, ni maintenant. Mes mains se crispèrent un peu sur la taille de Jena, avant de remonter dans son dos pour en défaire le haut de sa robe presque précipitamment. Je la fis basculer ensuite dans le lit avec un peu moins de douceur qu’attendue. Je n’avais pas la sensation de m’être subitement arrêté pour reprendre avec d’autant plus d’ardeur mes baisers sur sa peau. J’étais bloqué dans cet entre-deux étrange, à vouloir accélérer les choses, tout en réfléchissant à subitement tout arrêter. C’était notre nuit de noces. J’allais surtout réussir à tout gâcher. « Jena… » Je m’arrêtai au-dessus d’elle, sans bien savoir ce qu’il convenait de dire. Rien aurait sans doute été encore mieux.
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Sujet: Re: Désillusion Mar 15 Mar 2022 - 20:34
Elle frissonne quand la capeline en fourrure qui recouvre sagement ses épaules tombe au sol, offrant sa peau au froid ambiant. Mais il n’y a pas que le froid qui la fait frissonner alors que les lèvres brûlantes de River viennent trouver le chemin de son cou. Elle ressent un mélange d’appréhension et d’excitation à cet instant. Elle ignore comment les choses vont évoluer entre eux. Mais elle demeure une femme et, sous ses airs sages et pondérée, Jena a du feu dans les veines. Un feu qui s’est calmé au fil des années et des épreuves, mais qui ne demande qu’une étincelle pour s’embraser de nouveau. La jeune femme se cambre légèrement, son corps se plaquant contre celui du militaire alors que ses grandes mains descendent jusqu’à sa taille et qu’il s’interrompt. Ses yeux sombres s’ouvrent et le fixent. Et puis, il reprend sa progression, délaçant ce corsage qui l’opprime, avant de la basculer sur le matelas. Sa brusquerie la surprend, mais ne l’effraie pas. Bien au contraire. Cela présage d’étreintes fougueuses dont elle a toujours été friande.
Et pourtant, cela s’interrompt. A battre le chaud et le froid ainsi, il fait naître une certaine frustration chez elle. Son nom murmuré la fait pourtant sourire doucement. Comment lui dire de se détendre, d’arrêter de réfléchir, alors qu’ils sont dans le lit conjugal où il a étreint tant de fois une autre femme. Elle se redresse et s’empare de ses lèvres, sa main accrochant sa nuque, avant de glisser sa main libre sous la chemise, parcourant le corps chaud et ferme de River avec avidité. Elle n’est pas certaine de pouvoir chasser les spectres qui le hantent cette nuit. Et pourtant, elle a terriblement envie de partager cette intimité avec lui, maintenant. Déchirée entre raison et envie, elle est elle-même perdue, mais se doit d’agir au mieux pour lui. Pour eux.
Ses doigts lâchent sa nuque, alors que ses mains descendent le long du torse de son mari pour venir trouver le bouton de son pantalon et l’ôter, puis descendre la fermeture éclair pour effleurer sa virilité. Elle ignore totalement ce qu’est censé faire une femme de New Eden dans ces conditions… Satisfaire son époux reste le premier commandement non ? Peu importe comment ? Peu importe si elle se montre trop entreprenante ? Elle n’est pas une jeune fille comme Lynn, sans expérience et bercée par des préceptes conservateurs d’un autre âge. Elle a vécu et expérimenté bien des choses, qu’elle ne peut pas oublier si facilement, surtout quand son époux semble… bloquer. Elle n’ose pas parler… Pour lui dire quoi ? Que ça va aller ? Qu’il doit se détendre ? Non, ce serait terriblement maladroit… Hormis l’amener à se focaliser sur elle et que le sang afflue dans une certaine partie de son anatomie plutôt qu’à son cerveau, il n’y a rien à dire.
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Sujet: Re: Désillusion Dim 20 Mar 2022 - 0:35
Elle était patiente avec moi. Je le devinais sans mal dans ce sourire doux et apaisant que Jena m’adressa en réponse à ce murmure, sans émettre le moindre jugement. Je ne savais pas exactement ce que j’attendais d’elle en cet instant, surtout que nous commencions à peine à nous apprivoiser. Nos lèvres ne s’étaient rencontrées pour la première fois que lors de cette étrange cérémonie de mariage. J’avais bien conscience de ne pas m’y prendre correctement, ou plutôt, comme il aurait été attendu de le faire la nuit de ses noces. J’aurais voulu lui montrer que je pouvais être un amant doux et attentionné, que je saurais honorer les promesses que je lui avais faites… Mais pas ce soir.
Tout me perturbait dans cette scène hautement surréaliste. Jena était dans le lit de Willow avec moi qui la surplombait, vêtue d’une robe de mariée dans ces draps défaits. J’avais tellement l’impression de la trahir. Je restais immobile, la gorge serrée par un profond sentiment de culpabilité. Jena me rappela à l’instant présent en venant emprisonner mes lèvres, sa main contre ma nuque, comme pour me raccrocher à cette nouvelle réalité. Je répondis à ce baiser sans même y penser, tandis que ses mains tièdes partaient en exploration sous mes vêtements. Je restais calme, bien trop concentré même, alors que je tentais de lui rendre les mêmes attentions. Mes mains quittèrent son dos pour effleurer cette poitrine généreuse qui n’était plus prisonnière du carcan de son corset.
Je me crispai un peu quand ses attentions la menèrent sous ma ceinture, me doutant très bien de ce qu’elle cherchait à faire. Je remontai sa robe pour suivre la courbe de ses cuisses, dans un geste habitué… Sauf que ça ne prenait pas. Je voyais sans arrêt une autre femme qu’elle dans ce lit. J’avais presque l’impression qu’elle m’accusait de l’avoir bien vite oublié. Je détachais mes lèvres des siennes après quelques minutes qui me parurent durer une éternité, car rien ne se passait. J’étais incapable de me mettre en condition, tout simplement. « Jena… Arrête. » Je posai une main douce sur son poignet, pour l’inciter à ne pas poursuivre davantage. C’était vraiment inutile. Et pour le moins gênant. Son action ne donnait rien de plus concret. Je poussai un soupir contre la peau nue de son épaule, avant de me laisser retomber à côté d’elle. Je lui soufflai à voix basse, la tête encore logée dans le creux de son cou. « Je suis désolé… Ce n’est pas toi, c’est seulement… Pas ici. Pas comme ça. » Je n’osais pas affronter son regard si c’était pour y lire de la déception.
J’hésitais à la serrer plus longuement contre moi, mais ce serait sans doute plus frustrant encore. Je me redressai finalement pour m’installer au bord du lit, toujours à moitié débrayé, et me passait deux mains sur le visage. Je me sentais vraiment comme le dernier des imbéciles.
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Sujet: Re: Désillusion Dim 20 Mar 2022 - 9:45
C’était si bon de se retrouver entre les mains d’un homme. Même un homme qui n’était pas aussi excité par sa compagnie qu’il aurait du l’être… Il est des signes qui ne trompent pas. Et clairement, River n’était absolument pas dans le lâcher prise en cet instant. Pourtant, bien qu’hésitantes, ses grandes mains chaudes étaient un délice sur le corps de la nouvelle épouse. Mais trop vite, il met un terme à ces préludes, attrapant le poignet de Jena pour lui demander d’arrêter ses stimulations. A-t-elle eu tort de vouloir… l’aider ? Est-il à ce point endoctriné par New Eden que ce simple geste intime lui semble déplacé et l’offusque ? Elle lui jette un regard interdit, quelque peu confuse pour le moment, alors qu’il la laisse, pantelante de désir, avec cette sourde pulsation au creux d’elle qui ne demande qu’à être comblée. Mais pas ce soir. River n’est pas d’humeur et alors qu’il soupire, elle lève les yeux au ciel et ferme les siens ensuite, pour tenter de calmer les battements fous de son cœur et l’excitation bien présente pour elle. Pourtant, il demeure doux et même tendre, sans se détacher d’elle, tandis qu’il lui souffle ne pas pouvoir continuer. Alors non, il ne s’est pas offusqué de son geste. C’est bien autre chose qui tourmente son nouvel époux. Quelque chose contre laquelle elle ne peut pas faire grand-chose maintenant, malheureusement. On ne lutte pas contre les spectres.
Malgré tout, le : ce n’est pas toi, c’est moi, pourrait presque la faire rire jaune. Elle est patiente et compréhensive, mais à l’heure actuelle, elle est surtout frustrée. « Je comprend. » Réponse neutre. Très neutre. Et détachée. Faussement détachée. Il la relâche et s’assoit au bord du lit en lui tournant le dos, dépité, elle s’en doute. Ce n’est jamais agréable pour un homme d’avoir une panne. Davantage encore pour un homme comme River qui respire la virilité. Secouée d’un frisson, elle se lève à son tour et se dirige vers la penderie où elle a installé ses affaires. Elle ne va décemment pas renfiler sa robe de mariage, qui git maintenant au sol et elle ne va pas non plus rester nue alors qu’il fait si froid dans cette chambre et que son époux n’a pas l’air décidé à la réchauffer. Elle fouille un peu, récupère une tenue de nuit décente qu’elle enfile bien rapidement, tandis qu’elle termine de détacher ses cheveux et jette un regard vers le lit.
Elle hésite, une poignée de secondes, avant de revenir s’y installer, s’approchant de River pour s’agenouiller dans son dos et venir s’y coller, passant ses bras sous les siens et nouant ses doigts sur son torse, avant de poser sa tête sur son épaule. Elle doit se faire violence et se raisonner elle-même pour ne pas se sentir offensée de ne pas être désirable pour lui. De ne pas suffire à chasser de son esprit son épouse. Et elle ressent de la culpabilité à penser ainsi, comme si elle offensait la mémoire de Willow en la voyant désormais comme une rivale. De quoi doucher ses derniers relents de désir. « J’ai froid. » Elle quête la chaleur de ce grand corps. Elle quête sa tendresse à défaut de son amour. Elle murmure alors près de son oreille : « Nous sommes des étrangers rassemblés par la nécessité, mais les circonstances ne sont pas vraiment favorables à un rapprochement rapide… » Elle jette un regard à la chambre et soupire : « Je ne peux pas t’en vouloir… Tu es un homme droit et loyal, je te l’ai déjà dit et c’est ce qui me plait chez toi. Entre autre chose… Alors laissons le temps faire son œuvre et apprenons à nous connaître. La séduction fait partie du jeu. Habituellement, c’est avant le mariage mais ici… » Elle laisse ses mots en suspens. « On peut réaménager la maison. Changer de chambre conjugale… » Il y a des solutions. Mais si elle paraît assurée jusque là, c’est d’une petite voix qu’elle demande : « Simplement… ne me laisse pas seule cette nuit. S’il te plaît. »
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Sujet: Re: Désillusion Mer 23 Mar 2022 - 16:48
Jena comprenait peut-être, mais elle espérait certainement que sa nuit de noces se passe tout autrement. Les minutes s’étirèrent entre nous, dans la gêne. Elle finit par se lever pour mettre au placard sa robe de mariage et la troquer par une nuisette. Je ne la quittais pas du regard. Jena était sublime, parée de ses plus beaux atours, mais je me surpris à la préférer dans cette tenue de nuit plus sobre. La simplicité était parfois mieux encore.
Une part de moi restait soulagée qu’elle n’insiste pas davantage ou s’offusque de mon comportement à ce qui aurait dû être une nuit inoubliable pour elle, scellant notre union. Je me tendis un peu, à la voir ensuite hésiter à proximité du lit. Je n’osais pas la regarder en face après ce qu’il venait de se passer. Mes mains enserrèrent avec force les draps froissés sur le haut du lit, sans que je ne fasse le moindre commentaire. Son étreinte par derrière me surprit réellement, mais il en dégageait une douceur qui me faisait beaucoup de bien en cet instant de doute. Je levai une de mes mains pour venir caresser doucement la sienne, sentant sa joue contre mon épaule. Je finis par fermer les yeux, la respiration moins pénible que plus tôt.
Le commentaire de Jena me fit relever la tête et ressentir une pointe de culpabilité. Elle avait froid. Je l’avais laissée en plein dans le feu de l’action, pour l’abandonner à moitié nue, et tout interrompre subitement. Si j’avais pris la décision de tout arrêter plus tard encore, ça aurait été certainement bien pire. Je n’aurais pas pu la satisfaire comme elle l’aurait escomptée, et ce qui était juste de la frustration, aurait pu se transformer en un sentiment de malaise bien plus persistant entre nous.
Son murmure à mon oreille me fit légèrement tourner la tête vers elle. Jena avait pleinement conscience de ce que nous étions présentement l’un pour l’autre. Nous étions peut-être des étrangers unis par un mariage de circonstance, mais il en avait été de même avec Willow bien des années avant me concernant. « On aura le temps d’apprendre à se connaître, à s’apprécier, et même à s’aimer. » Je caressai encore doucement sa main, dans un geste qui se voulait apaisant. Même si Jena pouvait en douter, l’attirance était bien présente pour moi. Je ne me faisais pas de doute que la complicité viendrait ensuite naturellement.
Elle ne m’en voulait pas. Jena n’avait sans doute pas conscience d’à quel point ses mots me faisaient du bien. Je croisai brièvement son regard avec un sourire naissant quand elle me confia apprécier certaines de mes qualités et… « Entre autre chose ? » J’étais curieux de savoir à quoi elle pensait. Je finis par coller mon front au sien, dans un soupir un rien soulagé. « Tu es une femme magnifique, Jena. Intelligente et compréhensive, également. C’est le destin qui a choisi de te placer sur ma route, ce n’est jamais sans raison. » J’effleurai doucement sa mâchoire, du bout des doigts, avant de me séparer d’elle pour me changer à mon tour. Je délaissai ma chemise froissée et le reste de mon costume pour enfiler un pantalon plus confortable pour dormir. Je me retournai ensuite vers elle pour embrasser notre suite conjugale du regard. Une pointe de tristesse passa dans mon regard. « Je n’étais pas si souvent à la maison. C’est Willow qui décidait de la décoration, de comment organiser chaque pièce… et très honnêtement, ça ne m’a jamais intéressé. Elle avait plus de goût que moi en la matière. » Et puis, c’était davantage dans son rôle que le mien également. Je poussai un profond soupir. « Il faut que je prenne le temps de faire le tri avec Lynn. De savoir ce qu’on veut conserver, ce qu’on va donner… Ensuite, tu feras comme il te plaira. » C’était elle la nouvelle maîtresse de maison après tout. Quant à moi, il était nécessaire que je tourne cette page. Ca me prendrait sans doute encore des mois, voir des années, avant que cette impression terrible de l’effacer de ma vie pour pouvoir avancer ne cesse de me hanter. Tout avait été très vite, oui. Mais ce n’était pas la faute de Jena, qui me pardonnait mes manquements et se révélait être d’une grande patience. « Je veux que tu te sentes chez toi, Jena. »
Je me glissai dans le lit avec elle, quand elle me pria d’une petite voix de ne pas la laisser seule cette nuit. Je pouvais au moins faire ça, oui. « Viens là. » Mon invitation n’était qu’un murmure, dans la chaleur des draps. Je passai un bras autour de sa taille pour la ramener contre moi, en m’allongeant sur le dos. Ma main remonta ensuite pour caresser doucement ses cheveux et dégager quelques mèches de son front. Je fermais les yeux, pour oublier momentanément où nous étions, ma joue posée contre le haut de son crâne. J’arrivais à me détendre un peu dans cette étreinte chaleureuse. Willow ne cesserait sans doute jamais de me manquer, mais elle ne m’avait pas laissé seul. J’étais bien entouré, grâce à elle. Elle m’avait donné deux magnifiques filles, et un autre garçon dans un ultime souffle. Mais c’était aussi elle qui avait placé cet ange-gardien sur ma route, comme pour m’éviter de sombrer. D’où elle était, j’étais persuadé qu’elle continuait de veiller sur nous.