« C’est ça, oui… » Elle ne me psychanalysait pas ? Mon œil. J’avais vu assez souvent Jena le faire pour comprendre la légère variation qui s’opérait chez mon interlocuteur. Elle s’en défendait, bien entendu. Et elle utilisait la fameuse technique de poser une question pour détourner l’attention. Je soufflai ce qui s’apparentait à un rire en réponse. « Parce que c’est une déformation professionnelle. » On le faisait tous.
Je plissai un peu le regard, quelque peu dubitatif, quand elle me proposa de me soumettre à une hypnose pour chasser ma dépense à la nicotine. Susan restait lucide. Elle avait déjà bien cerné que je faisais partie de ces personnes qui ne laissaient pas les autres leur dicter leur conduite. Un nouveau rire m’échappa en retour. « Grillé. » J’haussai finalement les épaules, avant de reprendre une gorgée de mon verre. « De toute façon, j’ai beaucoup trop d’addictions. Si on essaie de m’en supprimer une, je la remplace. J’ai déjà essayé ça. » Et moins j’avais le choix, plus je me rabattais sur la même. En l’occurrence, à Fort Ward, l’alcool coulait à flots à défaut du reste. Je ne pouvais pas faire de la moto comme je l’entendais, ni me remettre à fumer, ou seulement à petites doses. J’étais bien conscient du problème, mais le gommer ? Non. J’allais me sentir mal, vraiment mal. Je n’avais aucune raison de m’infliger ça.
« Je te trouve très drôle, au contraire, tu sais. » Un peu à ses dépends mais… Elle l’était, au moins au début. La discussion prenait une teneur bien plus sérieuse, plus elle buvait à ma table. Je fronçai les sourcils quand elle m’avoua à demi-mots avoir voulu s’infliger les pires tourments avant de partir de ce monde. Elle estimait l’avoir mérité. « Syndrome du survivant, ça te parle ? » Elle qui aimait mettre du vocabulaire de psychologue sur des ressentis, certainement que oui. « J’ai l’impression que tu n’as plus rien à quoi te rattacher maintenant que ton fils n’est plus là. » Plus de raison de vivre. Plus de raison d’être.
Je marquai un long silence avant de me décider à répondre à sa question initiale. « Au début de l’épidémie… J’ai cru que mon premier rôdeur était un mec ivre qui en voulait à ma femme. J’ai essayé de le dissuader de rentrer chez moi. Mon chien a senti le danger. Il s’est jeté sur lui et… ce type l’a bouffé. J’ai été chercher mon flingue pour le descendre ensuite, avant de me livrer à la police pour que ma famille n’ait pas de problèmes. » Je lâchai un souffle ironique. « Ils m’ont simplement renvoyé chez moi en me disant de me barricader. C’est là que j’ai su que c’était la merde et qu’ils n’avaient plus le contrôle de rien. Quand des pillards ont essayé de s’en prendre à mon garage, les Hells Angels sont venus me prêter main-forte. J’avais toujours refusé de me mêler à leurs histoires pour épargner ma famille mais… ce jour-là, ils ont représenté notre porte de sortie. » Je finis mon verre, après avoir subitement autant parlé, avant de le reposer d’un claquement sonore sur la table pour nous resservir. « Je suis mécano. J’ai su me rendre indispensable à leurs yeux. C’est ce qui a acheté ma tranquillité et celle de ma famille, au moins les premiers temps… »
C’était amusant de voir à quel point je pouvais aisément lui parler. Pourtant, il m’en fallait plus pour que l’alcool me monte à la tête. Alors la cause était ailleurs. Elle était douée pour écouter, évidemment… mais je ne l’avais jamais été pour parler avec qui que ce soit. « Ouais, c’est Ivy qui vient avec nous à l’extérieur. Pourquoi ? T’as envie de la remplacer ? » Je relevai le regard vers elle quand elle s’interrogea sur ses propres sentiments. « T’as raison. T’as l’air perdu plutôt. » Elle me renvoya la question en parfait miroir, ce qui ne manqua pas de me faire sourire. « L’alcool désinhibe. Il fait juste ressortir ce qu’on est, il y a pas à chercher plus loin. » Si j’étais triste, moi ? « Aucune idée. » Je n’avais pas envie de me poser la question, et encore moins de lui répondre là-dessus. Il n’y avait que la colère que je laissais sortir, parce qu’elle m’aidait à tenir. Le reste était très bien sous clef.
Vous vous moquez de moi, c'est pour ça que vous me trouvez drôle, relève-t-elle après une fine analyse de la situation, à laquelle il ne peut plus se dérober. Evidemment, Locklan s'amuse d'elle, dès qu'il en a l'occasion. Elle est amusante malgré elle, pas de son plein gré. L'humour n'est pas propre à sa personnalité, Zi est seulement déroutante lorsqu'elle parle à un homme de sa trempe qui est capable de second degré, d'ironie, de sarcasme. Mais Zi tourne les yeux vers lui peu après et fronce les sourcils : Oh, souffle-t-elle, sans cacher sa surprise. Je ne savais pas pour vos études en psychiatrie, lui glisse-t-elle avec une oeillade taquine en prime. Mais vous n'avez peut-être pas tort, peut-être.
Peut-être souffre-t-elle de ce fameux syndrome du survivant. Elle ne s'auto-diagnostiquerait pas, parce qu'elle pourrait trouver d'autres choses. Une forme d'anorexie mentale notamment. Un syndrome post-traumatique. Du déni. Zi est heureusement capable de se canaliser et de réagir en conséquence, pour autant elle sait que si un jour son esprit vient à flancher, elle ne sera qu'une misérable petite fille abandonnée par son propre système de pensées. J'ai pratiqué la médecine pendant vingt ans, pour être incapable de sauver la personne qui m'était le plus chère au monde, lui glisse-t-elle en fronçant les sourcils. Dites-vous bien qu'après ça, on se sent vide, ajoute-t-elle dans la foulée.
Mais Locklan se livre, étrangement. Elle repose son verre et le fixe, à la recherche des détails sur son expression alors qu'il lui confie les premiers temps de l'épidémie qu'il a traversé et le déroulé de son embauche par les Hells Angel. L'évocation de ce nom lui serre furieusement le ventre et lui coupe le souffle, mais Zi tâche de retrouver son air et de ne rien en montrer. Pourtant, voilà qui lui donne envie de boire pour oublier. Parce qu'après ça n'a plus été le cas ? Demande-t-elle de but en blanc, trop franchement pour que ça lui ressemble. A croire qu'elle ne contrôle pas vraiment ce qu'il se passe. Désinhibée. Vous avez signé un contrat avec ces gens sans lire les petites lignes et ce qu'elles stipulaient ?
Elle a du mal à y croire. Ne s'est-il pas rendu compte qu'il a signé un contrat avec le diable ? Pourtant, c'est dans le nom. Les anges de l'enfer. Il y a-t-il plus évident que ça ? Vu l'affection que vous portez à votre blouson, je vous imaginais faire partie de ce groupe depuis bien avant, à dire vrai, lui glisse-t-elle d'un ton peut-être plus froid qu'elle le voudrait. Pour ça qu'il est aussi bien qu'ils changent de sujet. Je ne crois pas être suffisamment formé pour pouvoir aller en extérieur, je risquerais d'être un poids, admet-elle. En ayant une meilleure maitrise des armes, repris un peu de poids aussi, une meilleure condition physique, je crois que je pourrais aider également de cette manière. Mais Ivy est largement plus compétente que moi, et elle a cette expérience qui fait la différence, ajoute-t-elle.
Du reste ? Elle garde le silence, évite son regard alors qu'il lui dit qu'elle est perdue. Et qu'il n'a aucune idée de comment changer l'humeur qu'ils partagent actuellement. Etrangement, Zi est persuadée qu'elle n'a jamais été plus consciente d'elle qu'à cet instant. C'est vous qui êtes perdu, lui rétorque-t-elle en haussant les épaules. Vous espérez sans doute vous retrouver dans le fond de cette bouteille. Ou peu importe ce que vous cherchez. Un peu tranché, non ? Il y a juste un homme seul et malheureux dans votre verre. Et éventuellement une cirrhose du foie si vous insistez. Je ne suis pas la seule qui essaie d'en finir à petit feu.
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Sujet: Re: Yeux disent Jeu 14 Avr 2022 - 0:38
J’haussai les épaules, pour toute réponse. « T’as seulement besoin d’un verre de plus pour commencer à rire avec moi, princesse. » Un sourire amusé étira mes lèvres. Je me demandais quel était le son de son rire. Est-ce qu’elle savait seulement encore comment faire ? Au moins, l’alcool avait le don de lui délier la langue. Je la désignai d’un signe de la main, avec celle qui tenait toujours mon verre. « Tu vois, ça, c’est du sarcasme. C’est peut-être bien ta forme d’humour. » Elle se déridait enfin un peu ! A mes dépends, mais c’était de bonne guerre. Je l’avais cherché depuis le début de la soirée.
Je m’enquillais un nouveau verre, avant de le reposer sur la table et de le faire tourner dans ma main. C’était étrange de reparler de mon fils avec quelqu’un, même de manière anecdotique. Je m’étais refusé à le faire pendant des années, préférant occulter tout ce qui concernait sa mort. Mais sa peine faisait écho en moi. Et puis, c’était facile de lui parler, surtout avec quelques verres en trop. Je commençais à accuser le coup, moi aussi. « Tu sais, princesse… J’ai tué tellement de gens dans l’espoir de retrouver mon fils. Ca n’a fait que le précipiter davantage encore vers la mort. » Ou pire, même.
Je me passai une main sur le front, pris soudainement d’un pique de migraine. Je ferais sans doute mieux d’arrêter de parler, pourtant les mots sortaient d’eux-mêmes. J’avais gardé tout ça pour moi depuis bien trop longtemps. Même Jena n’en avait jamais rien su. Elle n’avait pas eu besoin de connaître le poids de ma culpabilité. « Même si on est prêt à tout sacrifier pour eux… parfois, ça ne suffit pas. » Ca ne m’empêchait pas de continuer de me battre, pour ce qu’il me restait encore. J’avais encore cette lueur d’espoir, contrairement à elle.
C’était étrangement plus facile de parler des premiers temps de l’apocalypse. Elle voulait même en savoir plus. « Non… » Ca n’avait pas suffi, par la suite. Je n’eus pas le temps d’en dire davantage qu’elle renchérit, sur un ton bien plus acerbe. Je soufflai ce qui s’apparentait à un rire en réponse. A l’écouter, on croirait que faire partir des Hells Angels revenait à signer un pacte avec le Diable en personne. « T’aimes pas les bikers, je me trompe ? » A se demander pourquoi elle passait du temps avec moi, en vérité. « Je me suis tenu loin des affaires des gangs, avant l’épidémie, pour protéger ma famille. » Sans eux, sans doute que j’aurais cédé à la facilité. « Ils payaient bien, et ça s’arrêtait là. Après ça… » J’haussai de nouveau les épaules. « J’ai fait le choix de les rejoindre, encore pour protéger ma famille. » Leur violence sauvage avait eu du bon, tant qu’ils ne s’en prenaient pas aux miens.
Mais je déviais rapidement sur un autre sujet. Susan m’avait donné l’impression de marcher sur des œufs plus tôt. Et, à l’entendre parler du rôle d’Ivy avec autant de conviction, j’avais enfin l’impression de cerner où était son intérêt. « Tu as envie d’aller sur le terrain ? Tu n’as qu’à venir t’entraîner le matin avec moi. Tu progresseras vite. Je suis pas le meilleur des profs, mais j’ai justement appris des meilleurs. » Que ce soit Logan, Levi, Stanley ou Jill… Je leur arrivais à peine à la cheville, mais tous m’avait appris des choses très importantes que je pouvais lui retransmettre ensuite.
Et, comme à chaque fois que je lui faisais une remarque, elle s’empressait de me renvoyer la balle. « C’est ta méthode pour te défendre ? » Un sourire amusé me vint en réponse. « Je ne cherche rien au fond de mon verre, princesse. » Un homme seul et malheureux ? « C’est à ça que je te fais penser ? Aoutch. » J’en plaisantais, parce que ça ne m’atteignait pas tellement. Mais il n’y avait plus grand-chose pour m’atteindre, surtout une fois que j’avais bu. Je soufflai ce qui s’apparentait à un rire, sans bien comprendre pourquoi. « Je n’essaie pas d’en finir. J’essaie de tenir le coup, c’est différent. »
Rire ? Elle fronce les sourcils. Voilà un grand mot, peut-être un peu grossier l'espace d'une seconde pour elle. Elle n'est pas du genre à rire. Au mieux, elle pouffe discrètement quand la chose est vraiment amusante, mais ça ne va pas plus loin. A-t-elle déjà eu un fou-rire dans son existence ? Elle n'en est pas persuadée. Ses sourires sont rares aussi, même si l'alcool a le don de la décrisper, et peut-être d'assouplir son visage. Elle ne fait pas plus de remarque, pose juste ses yeux sur Locklan alors qu'il parle de ce qu'un parent est capable de faire pour son enfant, même si c'est pour échouer.
Elle note, professionnellement, son mouvement de main vers son front pour venir se crisper un instant. Qu'est-ce qu'il se passe ? Lui demande-t-elle, devinant de quoi il s'agit très rapidement. Zi se raidit, se redresse, et pose son verre pour lui montrer d'elle-même : Prenez votre main et exercez une pression entre votre pouce et votre index, lui fait-elle alors fermement, en imitant le geste en question. Des petites pressions régulières : ça peut vous aider à libérer des endorphines, précise-t-elle rapidement. Sinon une pression dans le creux de votre nuque, de chaque côté à l'arrière du crâne si la migraine prend vers là, indique-t-elle.
A nouveau, elle montre comment faire pour qu'il ne puisse pas se tromper. Ce ne sera pas hyper efficace, il s'agit juste de point d'acuponcture, une discipline qu'elle a évidemment appris dans son pays. Mais sans une aspirine, ça effectuera le travail qu'il faut. Elle relève les yeux vers lui quand il lui glisse qu'elle n'a pas l'air de porter les bikers dans son cœur. Sans blague... Ils n'ont pas fait grand-chose pour se montrer aimables, précise-t-elle avant de se mordre l'intérieur de la joue. Trop direct, trop agressif. Elle ne s'aime pas du tout ainsi : Déformation professionnelle, s'excuse-t-elle finalement en haussant les épaules.
Cela dit elle l'écoute. Dans un coin de son esprit, elle note simplement qu'il a fait ça pour sa famille. Un peu d'excès de zèle probablement, mais rien d'étonnant considérant qu'elle aurait été capable de pire pour son fils. Quoi que... Sa conscience aurait-elle supporté de meurtrir quelqu'un d'autre ? Elle ne sait pas. Tant que ça n'implique qu'elle, peut-être. Elle baisse le regard, n'ose pas surenchérir. A quoi est-ce que ça servirait de toute façon ? C'est un débat qu'elle ne gagnera pas et, quoi qu'elle puisse en penser, qui n'en vaut même pas la peine. Elle a tout à perdre à ce petit jeu, et elle n'a pas cette patience à dire vrai.
Parce que vous auriez la patience de m'entrainer ? Demande-t-elle sans cacher sa surprise. Zi fronce les sourcils, s'étonne forcément de sa réponse. Je... Je ne sais pas, j'ai tout à apprendre, précise-t-elle alors, un peu dépitée d'avoir à l'admettre. Mais elle doit être consciente de sa force, de ses capacités. Soigner ? Elle en est capable. Plus ? Elle n'a pas cette habilité-là. Et puis, elle ne va pas en rajeunissant. A force, elle perdra aussi des forces, de la souplesse, de la précision. C'est obligé, elle n'est plus sur la montée de la colline, ou en tout cas plus pour longtemps.
Elle pose un autre regard sur Locklan cependant à sa remarque. Il semble parler de tout ça avec un air détaché. Ne cherche pas à se suicider. Vous vous attendiez à renvoyer une autre image ? Demande-t-elle sincèrement. Elle ne juge pas, mais quand on a sa descente et son air triste désormais, difficile d'attendre autre chose, non ? Elle a un soupir, ferme les yeux un instant : Pourquoi les Hommes croient-ils s'accrocher quand ils se tuent à petit feu ? Questionne-t-elle dans un marmonnement qu'il est le seul à pouvoir entendre. Il y a tellement de choses que je ne comprendrais jamais mais : celle-ci ? Elle m'échappe totalement, ajoute-t-elle.
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Sujet: Re: Yeux disent Jeu 21 Avr 2022 - 19:46
« C’est rien. » Je balayai rapidement les quelques inquiétudes qu’elle pouvait avoir, sans m’appesantir davantage, même si c’était touchant qu’elle s’en préoccupe. C’était certainement l’alcool qui commençait déjà à provoquer quelques effets secondaires. Etrange que ça se produise si vite mais… la fatigue devait jouer également. Depuis quand je n’avais pas eu une nuit complète ? Je n’arrivais même pas à me souvenir la dernière fois que j’avais réussie sans m’abrutir avec un peu d’alcool pour taire mes pensées.
« Hein ? » Je relevai un regard interrogateur vers elle. Susan cherchait à me donner des conseils pour… pour quoi au juste ? Je reproduisis les gestes qu’elle venait de me montrer, par simple mimétisme, sans sentir une grande différence. « Ca sert à quoi ? » La réponse ne tarda pas. Un sourire amusé me vint en réponse. « C’est plus efficace de faire du sport pour ça. » Et sans jeux de mots, même si c’était plutôt vrai également après une bonne partie de jambe en l’air. Au moins, elle avait détourné mon attention.
Un rire m’échappa à l’entendre discréditer les bikers avec politesse. Ils n’étaient pas aimables. J’haussai de nouveau les épaules, avant de reprendre une gorgée de mon verre. « Les bikers ne sont pas tous comme ça, mais les Hells Angels étaient déjà des criminels avant que le monde parte en vrille. Maintenant, ce sont juste des types qui se sont adaptés plus vite que les autres, parce qu’on est tous devenus des criminels. » Elle regrettait d’avoir déversé son venin sur eux, sans arriver à se retenir, ce qui m’arracha un nouveau sourire. « Pourquoi tu t’excuses ? » Parce que j’en étais un ? J’attrapai mon cuir pour regarder l’emblème gravé au dos, un rien nostalgique. « Ce truc m’a sauvé la vie un nombre incalculable de fois, et il me rappelle qui j’ai été aussi. En fait, il m’attire plus souvent d’ennuis qu’autre chose. » Je marquai un silence. « Ceux du chapitre de Seattle sont tous morts, à l’exception de Zack et moi. Si tu en as croisés par le passé, t’as plus trop à t’en soucier. » Il devait bien en rester dans les autres Etats, mais il faudrait se donner du mal pour les retrouver. « Je me demande quand même comment t’as pu te retrouver mêlée à eux, princesse. »
Elle n’était pas fermée à l’idée de s’entraîner avec moi. Je voyais là l’occasion de programmer d’autres rendez-vous, et peut-être d’arriver à briser sa réserve naturelle. « Je sais me montrer patient. » Je dissimulai un sourire derrière mon verre, sans préciser davantage ma pensée. Même si, à ses yeux, je lui faisais surtout penser à un type seul et triste. On partait de loin. « Je préfère encore quand on me trouve pénible. » Il fallait croire que je ne lui tapais pas autant sur les nerfs que je l’aurais cru. Elle s’interrogea elle-même sur les raisons qui me poussaient à boire, persuadée que j’essayais d’en finir, tout comme elle. « J’arrêterais de boire quand je pourrais prendre ma fille dans mes bras. D’ici là, ça m’aide à tenir. » Mais elle n’avait pas complètement tort. Les années s’écoulaient, sans que je n’aie de prise dessus. Je n’avais toujours pas réussi à en apprendre plus. J’en étais au même point qu’une année plus tôt, avant de les rejoindre. Je me rattachais à un espoir toujours plus mince. J’avais du mal à croire que ces retrouvailles auraient lieu un jour maintenant. Mais si j’arrêtais ce combat, que me resterait-il ?
Si vous voulez aller courir et soulever de la fonte, ne vous gênez pas, lui glisse-t-elle en l'invitant d'un regard à aller vers la porte. Puisque le sport est un meilleur biais pour ça, elle ne va pas le retenir ici. Surtout qu'il n'a pas tort après tout, les endorphines libérées par le corps après une séance de course notamment ont un très bon effet sur l'organisme. Cela dit elle l'observe et comprend pourquoi ses conseils ne sont pas suffisants : Vous le faites mal, relève-t-elle d'un air presque sévère. Zi termine son verre et se redresse : Laissez, lui indique-t-elle.
Elle se raccroche à sa chaise en sentant le monde tourner un peu trop. Une grande inspiration plus tard, et la voilà qui parvient derrière Locklan et se fait craquer les doigts d'un mouvement sec. Soufflez lentement, ordonne l'asiatique d'un ton autoritaire, qui ne souffre d'aucun refus. Ses paumes et ses phalanges sont froides, mais c'est thérapeutique pour la douleur. Les manipulations qu'elle effectue sur la nuque et la mâchoire de Locklan, elles, sont douces et l'amènent progressivement à se détendre. D'autres ordres glissés, elle lui conseille de respirer lentement, de ne pas s'empêcher de monter les épaules.
Au bout de plusieurs longues minutes, d'une concentration sérieuse pour sa part, Zi relâche les pressions à la base de sa nuque, lui laissant la tête ballante un instant. Le laisser se relaxer au son de sa voix est une forme d'hypnose de surcroit, au moins est-elle sûre que ça peut marcher sur lui. En partie. Elle n'a pas creusé suffisamment pour ça. L'asiatique ne revient s'asseoir qu'après de toute façon et ses yeux se posent sur cette veste qu'elle abhorre pour toute la douleur qu'elle lui fait ressentir. Les ennuis que ça vous a attiré vous semble être aujourd'hui des bons souvenirs ? Lui demande-t-elle, froide malgré elle.
J'ai entendu de parler de leurs têtes au No Man's Land, mentionne-t-elle. Zi ne regrette pas que ça se soit terminé ainsi pour eux. Mais se sent coupable d'avoir la vie de deux hommes sur la conscience. Et de ne pas avoir pu sauver celle de Tao. J'en ai croisé plusieurs quand j'exerçais en prison, et sur ces dernières années, j'aurais simplement préféré que ça ne soit jamais le cas, explique-t-elle à sa remarque, quand Locklan s'interroge sur comment sa route a fini par se mêler à celles de ces bikers. Elle n'a pas envie de rentrer dans les détails, ses yeux finissent juste par fixer le vide et elle inspire profondément quand ses mâchoires se serrent.
Elle ne veut pas... Non, elle ne peut pas le dire. C'est tout. Ses pupilles reviennent à lui. Si vous savez être patient, alors très bien, je suis partante, lui répond-t-elle. Elle est sûre que ça lui servira bien à quelque chose, tout ça. Et la voilà qui s'étonne ouvertement. Pénible ? On vous trouve pénible ? L'interroge-t-elle sans bien comprendre les raisons : Pourquoi ? Les adjectifs se mélangent de son côté, sur ce qu'elle peut penser de lui. Quant à sa fille, Zi a un moment de flottement. Elle ne croit pas qu'il arrêtera l'alcool malgré sa présence avec lui. Pour autant, elle n'insiste pas là-dessus : Vous ne savez pas où elle se trouve ?
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Sujet: Re: Yeux disent Ven 22 Avr 2022 - 11:50
« Ouais… Bah, demain matin. » J’étais déjà épuisé de ma journée. Je courrais tous les matins sans exception. Je pourrais sans doute en faire de même le soir, mais je préférais squatter au Summer. Question de priorité dans la vie. J’avais toujours aimé le sport, mais la moto me manquait énormément. Je n’avais rien trouvé qui soit en mesure de la remplacer.
J’essayais vraiment de reproduire les gestes indiqués par Susan, mais je n’étais pas vraiment surpris de mal le faire. Je n’arrivais même pas à en comprendre l’utilité, ce qui ne devait pas franchement aider. Quand elle se leva pour passer derrière moi, je lui lançai un regard interrogateur en réponse. Quoi ? Je devais souffler lentement ? « Ok… » Elle avait de l’assurance, quand elle était dans son élément. Je lui souris d’un air un peu goguenard, avant de me prêter au jeu. Je le perdis peu à peu au fil des minutes écoulées, parce que son petit massage improvisé commençait à me faire un bien fou.
Je poussai un soupir de contentement en me renfonçant dans ma chaise quand elle termina. « C’est encore mieux que la fumette. » La migraine était passée en prime. J’avais la sensation que je dormirais bien ce soir, pour une fois. D’ailleurs, si nous n’étions pas au bar, je serais bien allé me coucher directement. « Tu refais ça quand tu veux. »
Elle reprit notre discussion là où on s’était arrêté, comme si de rien était. J’avais personnellement du mal à raccrocher les wagons et plutôt d’autres idées en tête la concernant mais… sa froideur soudaine me fit vite regagner la réalité. « Je sais pas ce que tu cherches à me faire dire. » Les ennuis que les Hells Angels m’avaient amenés ? Pour certains, j’étais capable d’en rire maintenant. Mais la plupart, ce n’était pas le cas. « C’est pas des enfants de chœur, Susan. La seule chose de bon qui en est ressorti, c’est que ma famille a été très longtemps à l’abri du danger, et que ça m’a endurci. » J’avais appris à me relever d’à peu près tout, et surtout, de compartimenter. Il y avait des batailles qui ne valaient pas la peine de mener, et d’autres pour lesquelles je serais prêt à mourir.
Je regardais le fond de mon verre, résolument vide, quand elle évoqua les têtes plantées devant le No Man’s Land. Est-ce que j’avais vraiment envie de parler de ça ? « Tu t’es dit qu’ils ont eu ce qu’ils méritaient, j’imagine. » Je marquai un silence, avant de relever le regard vers elle. « Moi aussi. Mais ça restait mes anciens frères, pour certains d’entre eux. Leur nouveau leader, par contre, n’était qu’un fils de pute. » Je crachai ces derniers mots avec une certaine hargne. Je tentais tant bien que mal de récupérer le fond de la bouteille dans mon verre, pour ne pas en laisser une seule goutte. « Ils t’ont fait quoi ? » Je pouvais imaginer tout et n’importe quoi, surtout à voir son joli minois. Si elle les avait croisés après la pandémie, rien de bon n’avait pu lui arriver. Avant, elle avait été protégée par le système. Mon regard dévia vers mon cuir, qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de fixer. Je commençais à comprendre ce que je pouvais lui inspirer. « Pourquoi t’es ici avec moi, Susan ? » Elle aurait déjà dû se dire que c’était la dernière des idées à avoir. Elle aurait pu se contenter de ne jamais frapper à ma porte. Et pourtant, elle acceptait que ces rendez-vous se reproduisent en me laissant l’entraîner. Plus aberrant encore, elle ne me trouvait pas pénible alors que j’avais tout fait pour lui porter sur les nerfs dès notre première rencontre. « T’es vraiment une fille bizarre, tu sais. » Je toussai un rire incrédule pour seule réponse.
Je retrouvais peu à peu mon sérieux, le regard dans le vague, quand elle m’interrogea à propos de ma fille. « Elle est à New Eden. » Je restais silencieux quelques secondes, une lueur triste au fond du regard, avant de la chasser subitement pour me lever. « Je vais demander une autre bouteille ! »