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Black slots for amber shots

Sam 29 Oct 2016 - 3:26

-  Bon à coller sur un frigo avec des magnets … 

Entrepreneur d’hier, bâtisseur de demain, architecte du grand jamais ; Orson observait le vieux format A4 barbouillé de crayon de couleur. Les lumières filtrant à travers la tenture grossièrement punaisée de son petit préfabriqué, projetaient sur son œuvre une clarté crue, à peine étouffée par les lueurs tremblantes des bougies. Son intimité, il s’en réjouissait, il avait sué sang et eau pour l’avoir, mais en était-il satisfait pour autant ? Non, il n’y parvenait pas, en dépit de son talent mirifique pour l’auto-persuasion.

Ce besoin persistant, l’oppressait depuis une bonne heure déjà, il avait besoin d’un crayon de papier, d’une mine graphite, de plomb, bref ... De tout élément susceptible de donner du crédit à son projet. De laisser croire aux âmes charitables que ce plan de collecteur d’eau, n’était pas un gribouillage, un projet de maternelle. L’ironie voulu cependant que cet objet du quotidien soit devenu denrée rare ; Au sein même d’un lycée. Sur le rejet bon marché d’une rame de papier, les traits soigneusement tirés à la reliure d’un vieux bouquin scolaire de biologie, manquaient de corps. Sans doute parce qu’ils mêlaient des motifs complexes de lignes bleues cyan et d’un vert inqualifiable.

-  Bordel … 

Rageusement, il s’attela à ne pas se mettre en boule, réservant ce sort à la feuille profanée ; Une fois l’outrage soigneusement chiffonné, il jeta l’agglomérat à travers la pièce ; Ceignant  ses tempes de ses paumes, agrippant sa tignasse. Le long soupir qu’il laissa échapper, ne sut le délester de la charge qui pesait sur lui. Il lui fallait prendre l’air. Vite.

Harponnant le cuir doublé sur son convertible usé, il passa la veste avant de sortir de son antre ; De sa poche intérieure, il tira une Lucky, alors que son autre menotte titillait déjà la pierre du Zippo. Une étoile de plus dans la nuit, il fit briller l’astre mortel à grandes goulées. Le dos collé à la taule, il finit par se retourner en direction des noctambules, chargés de la ronde. Il avait bien senti se poser sur lui, leurs regards de commères ; Il se fit la réflexion, une fois encore, qu’ils étaient bien plus inquiétants que ces vieilles matriarches italiennes pendues à leurs fenêtres dans les quartiers "communautaires". Pour ne pas faire jaser la grande conciergerie, il s’escamota donc tranquillement, cancerette au coin des lèvres ; Il avait toujours aimé ses pérégrinations nocturnes, moins depuis que son imagination n’était plus sa seule limite.
Il restait une demi heure avant le couvre feu.

Cheyenne avait du revenir de son petit marché. Même si il s’agissait de faire les emplettes de la collectivité, elle n’aurait pas manqué de penser à son vieil ami. Bien sûr, il lui glissait quelques extras sur la liste, mais elle ne manquait pas de le lui rendre quand il passait l’enceinte. Nouveau système, nouvelles méthodes pour s’y adapter ... Peut-être, le contourner, en quelques occurrences. Sans penser à mal bien sûr.
Là, il s’agissait seulement de putains de crayons de papier et au pire de cas, une bonne bouteille de pousse-au-crime serait parfaite pour sceller l'échec. Il ne fallait plus compter sur la bière, a moins d'aimer la pisse éventée.
Il avait des besoins et il savait où trouver la roadie, honnit soit qui mal y pense. Les voyeurs campés de ci de là, raconteront bien ce qu'ils voudront.

C'est au dehors qu'il la trouva, errante comme lui. Affairée à fouiller son sac à malice ... Sans doute l'avait-elle vu venir.

- Toujours en un seul morceau, impossible a diviser ou a soustraire ...
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Re: Black slots for amber shots

Dim 30 Oct 2016 - 14:07

Le pire quand l'apocalypse vous tombe dessus, ce n'est pas de savoir ce qui pourrait vous arriver, ce que l'on serait capable de vous faire mais bien de savoir ce que vous, vous pourriez faire aux autres. Il était bel et bien là le souci de Cheyenne. Où était sa limite ? À quoi se résumait-elle ? Impossible de le savoir sans l'avoir testé. Mais une chose était sûre pour l'Indienne, si elle devait descendre la moitié des survivants d'Emerald Freedom pour sauver le cul de ce vieux grincheux d'Orson, elle le ferait sans la moindre hésitation. Il faut dire qu'il était difficile pour elle de ne pas penser à Lawrence en le regardant, leur ressemblance physique la déconcertait par moments et n'aidait en rien à la femme à aller de l'avant. Quoi qu'il en soit, Orson était la dernière chose qui lui restait dans ce bas monde, le seul qui la protégeait, le seul qui semblait la comprendre. Oui, pour lui elle était prête à beaucoup.

La nuit était tombée rapidement alors que l'automne faisait réaliser à beaucoup de monde combien les semaines à venir allaient être difficiles. L'hiver qui approchait avait de quoi faire frémir d'angoisse mais pour l'heure, Cheyenne avait surtout d'autres préoccupation. Son retour au lycée s'était fait sans encombre, enfin pour elle tout du moins car ses vêtements maculés de sang laissaient aisément comprendre que des rôdeurs eux, avaient eu bien moins de chance. C'est d'un pas nonchalant que l'Indienne s'était éloigné des bâtiments principaux pour rejoindre le préfabriqué d'Orson. Quelle idée aussi d'aller faire son Hermite là-bas, si loin des autres... Ce n'était pas Cheyenne qui le critiquerait pour ça, elle-même était une grande solitaire et passait le plus clair de son temps dans un coin sans adresser le moindre mot à quiconque. Seul les plus téméraires avaient l'audace de tenter une approche qui généralement, finissait dans le regret.

Ses bottes raclant sur le bitume, c'était une démarche lourde qu'avait Cheyenne. Aussi forte puisse-t-elle être, la fatigue avait vite fait de prendre le dessus. Il faut dire que le sommeil, elle avait bien du mal à le trouver depuis la mort de Lawrence et même avant. Chaque fois elle espérait trouver dans la compagnie d'Orson, ce quoi que ce soit qui puisse alléger son esprit et détendre ses nerfs, suffisamment pour trouver le repos à travers quelques heures de sommes largement mérité, juste assez pour ne pas avoir à péter un plomb. Son pilier qu'il était, dur et coriace, probablement plus qu'elle. Ce fut d'ailleurs la voix du vieux ours mal léché qui lui fit lever les yeux. L'Indienne ralentit le pas jusqu'à s'arrêter à deux mètres de lui, dardant ses yeux sombres et cernés par la fatigue se poser sur le vieux barbu. En un seul morceau oui, physiquement out du moins car mentalement, rien n'était aussi sûr. D'un geste lent, Cheyenne frotta sa main tâchée de sang sur sa veste en jean usé avant de venir la glisser dans sa poche. Épuisée par sa sortie, elle n'en restait pas moins fière d'elle car ses recherches avaient été fructueuses. Pour lui, elle était capable de beaucoup... Comme se mettre en danger dans la ville pour lui ramener un stupide crayon de papier. Lentement, elle extirpa le crayon de bois de sa poche et l'agita dans l'air tout en soutenant le regard de son ami avant d'entrouvrir les lèvres et laisser échapper quelques mots d'une voix faible mais grave.

« Le trop de confiance attire le danger... Tu sais qui a dit cela Orson... ? Pierre Corneille. Je suis certainement pas la femme la plus cultivée que tu dois connaître, mais putain... Tu finiras par avoir ma peau avec tes conneries. Tu m'en dois une. »

S'approchant de son ami, la ténébreuse Indienne glissa le crayon de bois dans la main d'Orson avant de lever son autre main qui tenait la hanche d'un sac en plastique usé et sale. Arquant un sourcil, un léger sourire se dessina sur les lèvres charnues de Cheyenne qui ouvrit le sac et en sortit une bouteille de Jack Daniel's entamé et souffla.

« Tu nous sers un verre... ? »
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Re: Black slots for amber shots

Dim 30 Oct 2016 - 16:24


Elle avait un teint à faire pâlir les rôdeurs, des cavités orbitales à rendre aveugle la grande faucheuse et des tremblements persistants, que les victimes de delirium tremens prendraient en pitié. Cheyenne revenait de loin, en quelques mois, elle semblait avoir vécu une existence entière et pas la belle vie. Lui qui aurait pu se réjouir d’un plaisir simple, n’y parvint pas ; Le crayon de papier, depuis un moment, était entre les doigts fébriles et crispés d’un démiurge aussi sadique que grotesque. Cette vision de décrépitude croissante était, un écho de plus, celui d’un chapitre trop récent ; La dernière fois qu’il avait vu ces yeux de poisson mort, c’était sur le visage d’un bleu trop ambitieux et oublieux.
Là dessus, la cavalière des temps modernes vint lui servir la citation d’un auguste penseur, a priori ; Il n’avait jamais été très attentif à ce genre de phrases surgelées, moins encore à ses cours de français. Les rois du touche-pipi, à son humble sens. Hochant négativement la tête, il vint se saisir de l’objet de sa convoitise à présent entamée ; Ses aspirations avaient changé, probablement grâce à ce spectacle qu’il trouva aussi inquiétant que navrant. Peut-être même irritant. Il ne se prêta pas à l’un de ses longs sermons, mais il ne se priva pas de faire ressentir sa contrariété à sa belle-sœur :

- Je te remercie très humblement pour ce cours sur le tas, moi j’en ai une autre de mon paternel ; Il me disait qu’un bon donneur n’attends pas de recevoir et qu’un bon receveur n’hésite pas à donner. Ces "conneries" pourraient bien nous permettre de stocker quantité d’eau potable, qui sait, peut-être même irriguer quelques cultures … Quand tu mangeras à ta faim et que tu pourra boire de l’eau fraîche, tu repenseras à cette conception du don.  - Relevant le dit crayon, comme si il brandissait la clé de leur salut, il la gratifia d’un regard entendu. - Mais merci, j’apprécie l’effort. 

Résurgence des années passées, de celles où son boulot à lui seul lui donnait l’impression d’avoir un véritable but. Aujourd’hui, il avait perdu la flamme sacrée mais il avait gardé ses vieux réflexes de meneur de chantier. Ne plus avoir l’impression d’être le chef de file et d’être maître de son environnement, ne faisait rien pour apaiser ses aigreurs d’estomac et de verbe. Il venait d’essuyer un regard assassin, mais il l’oublia bien vite quand la bouteille lui fit de l’œil … Le sirop pour dormir. Ce n’était pas un vrai whisky, mais ça restait un véritable luxe. Il n’avait jamais sombré dans l’alcool, envers et contre tous les événements, il avait réussi à se trouver une addiction plus constructive : Le boulot. Divorce, contrariétés professionnelles, périodes de doutes … Ben ; Il avait cloisonné tout cela entre des planches et coulé ces souvenirs dans le béton.

Mais pour cette nuit, il voulait s’en jeter un derrière la cravate, non pas pour s’assommer, pas plus que pour oublier ; Seulement pour savourer un verre qui lui permettrait de revivre un de ces plaisirs simples de la vie. Une discussion autour d’un godet. Il aurait pu souligner le fait qu’elle ne s’était pas plainte de la dangerosité de son excursion pour ce délice d’ambre … Mais il ne le fit pas. Probablement parce que c’est l’une des choses qu’il avait attendu depuis un moment ; Ça et écouter la radio, entendre une voix rassurante s’adresser à des millions d’auditeurs. Il voulait simplement occulter le fait qu'une bonne partie de la population avait été mise en touche. Sur la suggestion de son acolyte de beuverie, il engagea le duo vers son petit nid. A nouveau, ils passèrent tous deux sous le nez des guetteurs.
Pendant la période de roulement, au moment du couvre-feu.
In extremis.

La Casa de Orson commençait à avoir un semblant de visage, ce n’était pas l’opulence même, mais c’était plutôt bien entretenu et ce, en dépit de l’absence de commodités. Retour à la vie étudiante à Garden Highschool, où ce genre de chose se faisait sur palier. Pas de vaisselle, juste des gobelets en plastique … Winnie the pooh ; Le choix n’était plus une option dans les magasins. Sur une grimace incitant au silence, il mit quarante pour cent dans la truffe de l’ourson, avant de poser les consommations sur le tréteau qui faisait office de table.

- Voilà pour la demoiselle … Donc, qu’est ce qui a mal tourné là bas ? Habituellement il te faut au moins un run pour être de bonne humeur. 

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Re: Black slots for amber shots

Lun 31 Oct 2016 - 16:52

Blablabla...
Pourquoi avait-elle eu l'idée idiote de citer un auteur comme Pierre Corneille ? Cheyenne aurait dû se douter que c'était comme tendre un bâton pour se faire battre. Avec Orson, pas moyen d'y échapper, s'était même du sadisme à l'état pur venant de lui qui savait combien sa comparse détestait les longs discours. Elle avait beau apprécier son ami, lorsqu'il déblatérait ainsi, la seule envie qu'elle avait était de lui coller une balle dans le crâne. L'ironie suinta de sa bouche quand il remercia finalement pour le cadeau offert. Dommage qu'elle lui avait déjà donné le crayon de bois, il aurait été amusant et bon pour les nerfs de l'Indienne de se venger en brisant ce petit objet fragile et tant désir, sous le nez de son détenteur.

« Va chier. »

Se contenta de rétorquer gravement Cheyenne avec toute la délicatesse dont elle était pourvue. La vulgarité était l'un de ses mauvais défauts et c'était pire depuis que le monde était devenir un terrain de jeu pour morts-vivants. D'un geste tremblant et agacé, elle glissa la bouteille dans son sac en plastique avant de sortir un paquet de tabac de la poche de sa veste puis des allumettes de l'autre. Le tube de nicotine fini entre ses lèvres alors qu'une flamme timide embrasa le tabac. Oui elle faisait peine à voir, pitié même, serait un mot plus juste. Mais ce n'était pas la première fois qu'Orson la voyait ainsi et ce ne serait sans doute pas la dernière. Dardant sur lui son regard sombre et cerné, la garagiste finit par entrouvrir les lèvres, arrachant la cigarette à sa bouche et souffla longuement un épais nuage de fumée droit dans le visage d'Orson. Le silence retomba alors que les deux amis se mirent en marche, loin de ceux qui faisaient leur ronde pour finalement rejoindre le préfabriqué servant de modeste logement à Orson.

L'endroit n'était vraiment pas grand et meublé, encore moins. Mais au moins il offrait un refuge loin des yeux et des oreilles indiscrètes et ça, c'était sans doute la seule chose qui comptait. Cheyenne elle, n'avait pas cette chance, obligée de côtoyer le reste de la camaraderie et bien que son intimité était préservée au minimum, elle aurait donné n'importe quoi pour être ici à la place d'Orson. Qui sait, le jour où ils auraient les matériaux nécessaires, peut-être lui réclamerait-elle aussi un semblant de chez soi comme il s'était construit lui-même. Dans un soupir, l'Indienne se laissa choir sur le convertible faisant office d'assise et de lit au vieux grincheux avant de retirer à nouveau la cigarette de sa bouche, inondant l'espace d'une fumée charger en tabac. Mais qu'importe, ce n'était certainement pas lui qui viendrait lui reprocher de briser sa santé avec ce genre de chose. À bien y réfléchir, Cheyenne préférait de loin crever d'un cancer que de finir bouffer par des rôdeurs. Saisissant le verre tendu, la femme esquissa un sourire face à la représentation de Winnie l'ourson qui y était dessiné. Bon Dieu, ça faisait vraiment peine à voir, mais il fallait avouer que ça avait le don de la faire rire chaque fois qu'il la faisait picoler dans cette daube.

« Un jour, je te ramènerais des verres... »

C'était une promesse qu'elle se faisait à elle-même pour sauver son ami de l'humiliation qu'il s'infligeait à boire dans ces choses. Soupirant, la femme leva son verre avant de venir le porter à ses lèvres et de boire d’une traite le Whisky qui lui avait été servit. Sans hésitation, seulement une grimace pour accuser le coup. S'enfonçant dans le convertible, elle brandit encore son verre vide, l'agitant pour réclamer une seconde tournée à Orson avant même qu'il n'entame son propre verre mais qui déjà, la questionnait sur son état pitoyable. C'était quoi qui le gênât ? La voir si minablement épuisé ou bien le fait d'avoir une tenue vestimentaire complètement ruiner au sang et qui puait la mort à des kilomètres à la ronde ? Un mixte des deux probablement. Peut-être bien que c'était même juste par politesse qu'il la questionnait comme ça, pour combler les silences lourds dont elle s'était fait maîtresse depuis longtemps à présent.

« Rien en particulier... Tu sais comment ça se passe. Tu crois que tu t'en sort bien et d'un coup ces enculés de rampant éboulent de nulle part. J'ai failli y laisser un bras mais comme tu peux le voir, je les ai encore. Les deux. J'en ai profité pour fister deux rôdeurs à coup de machette. Juste comme ça, pour l 'plaisir. »


Un rire lassé passa les lèvres de la femme dont la tête bascula en arrière. Son regard d'onyx se posa sur les volutes de fumée, douces arabesques qui ondulaient dans les airs avant de se dissiper mollement. Son visage se ferma peu à peu au fil des secondes avant que sa voix ne monte encore, faiblement cependant.

« Je n'ai pas fermé l'oeil depuis trois putains de jour Orson... Et quand par miracle je commence à trouver le sommeil, j'ai ces putains de cauchemars qui viennent me ramener à la réalité. J'en ai marre de voir Lawrence se fait déchiqueté, marre d'entendre ses hurlements dans mon esprit, marre de me dire que quoi que je fasse, je suis un putain de parasite qui aurait dû y rester à sa place. Et tu sais ce qui me rend le plus en colère ? C'est toi espèce de sale connard. Toi qui continues de rester avec moi et qui me maintiens à flot. Quand est-ce que tu arrêteras ton manège ? Hein... ? Qu'est-ce que ça t'apporte au juste ? »
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Re: Black slots for amber shots

Mar 1 Nov 2016 - 14:23


Certaines limites, cloisons érigées, étaient là pour une bonne raison ; Tenter de les forcer n’était pas la meilleure solution envisagée par Cheyenne. Eut-il été préférable pour elle ne jamais s’orienter dans le domaine social ; Pour l’intégrité physique et mentale du plus grand nombre. L’entrepreneur avait pris pour habitude de catalyser foule de ressentiments, principalement négatifs depuis La fin « d’un » monde. A l’amorce des hostilités, il avait accusé le léger soufflet sans broncher, persuadé que le premier coup ne serait pas le pire. Plus que des paroles, il avait bu du miel, du fiel ; Autant de mixtures douces-amères à  retourner l’estomac et le crâne. Il accusait des cuvées à rendre la gueule de bois aussi aigüe que persistante. Ce soir, la mixture promettait juste de lâcher les déferlantes, d’emporter de bonnes choses dans l’abîme pour ne rejeter que des épaves sur la berge. Cette idée l’aida probablement à tenir la barre, à éviter le maelström.
Fidèle à elle même, la motarde avait sorti le masque, jouant sa partition préférée ; La marche militaire dissonante, rythmée par les pas mal assurés du va-t’en guerre qui n’y croit pas … Ou plus. Elle posa bien sûr son récit, son conte en vérité, occultant toute forme de ressentis véritables. Une fois encore, elle secouait la ruche.

Il lui fit comprendre d’un regard, qu’il ne la suivait pas ; Pas même une seconde. Il observa le gobelet tendu, vide et peu profond : Tout comme elle en cet instant. Gardant ses habitudes cependant, il allait brasser la merde, à manches retroussées ; Tenter d’estimer l’ampleur de l’abîme, au risque de ne plus jamais retrouver la surface. Elle aura vite fait son constat : Jamais elle n’avait vu poindre de colère dans le regard du frère de Lawrence. Du moins, pas avant cet instant ; Pas avant que ne s’anime la lueur dans les mires de l’ami qu’elle venait de négliger. L’évocation de son frère, dépouillée, glaciale, teintée d’une lamentation confinant à l’égoïsme, fut probablement le heurt de trop. Malheureusement pour elle, ce n’était pas le coup de grâce … Pas encore. Orson reposa la bouteille, derrière lui, avec une douceur trahissant la tension grimpante. Plus que jamais fermé, il venait de croiser les bras sur son torse, la confrontant dans un hochement de tête à la bêtise de ses doléances. S’efforçant tant bien que mal, de contenir son amertume.

-  Rien. Je n’attends rien à dire vrai. Parce que je ne suis pas du genre à attendre, je ne suis pas prostré, je n’y vais pas a reculons ; J’avance, autant qu’il m’est possible de le faire. Pendant que des personnes geignent parce qu’on essaye de tout leur prendre, ou que ceux de ta trempe s’escriment à tout briser pour ne pas se sentir démunies … Moi, je tente de sauver les meubles. On compte tous de lourdes pertes, maintenant qu’est-ce que tu préfères ? Te concentrer sur ce que tu as perdu ou te focaliser sur ce que tu te dois de préserver ? Voir, te réapproprier …

Bien moins fataliste qu’il n’y paraissait, il avait réussi ; La bête resterait en cage pour le moment. Transparaissait pourtant sur son visage, tout ce qu’il s’efforçait d’occulter : Un mélange de déception et d’indignation. Attrapant le goulot, il posa bientôt le litre aux pieds de Cheyenne. Défi ou abdication, il  sembla céder à sa requête, aussi inquiétante que détestable à son sens. Il était cependant une chose dont elle devait, allait, se souvenir au sujet des Trevino : Le renoncement ne faisait pas partie de leur vocabulaire.

- Tu penses que la chaleur du whisky va te préserver du froid, rincer le goût amer dans ta bouche voir t’assommer suffisamment pour oublier … Mais il ne préserve pas de l’hypothermie, il t’aide à l’ignorer pour te faire crever gentiment. Il ne nettoie pas le palais, il dévore juste la chair assez longtemps pour assommer les papilles. Par dessus tout, il n’efface pas les souvenirs, il t’incite simplement à le penser pour t’asservir. La colère suit le même mode opératoire … Prends l’évidence en considération.
Pour une raison que je cherche encore à comprendre, Lawrence s’est tourné vers toi ; Si tu souhaites savoir pourquoi je me débats pour te maintenir à flot, c’est peut-être tout simplement parce que j’honore ses choix, à lui. Je me dis qu’il aurait probablement voulu que je sois là pour toi. En attendant, tout ce que je vois, c’est un schéma se reproduire … Inlassablement. Le fléau le plus inquiétant, ce n’est pas la transformation induite par la contagion, elle même ; Mais l’altération qu’elle fait subir à ceux qui lui résistent encore. Je te le dis clairement Cheyenne, tu vas te perdre si tu t’engages dans cette voie là.


Cette voie là, c’était probablement celle empruntée par ceux qui avaient tenu le Lycée pendant plusieurs mois. Les idoles d’un monde perdu, prétendument entrainées à tout accuser … Tout endurer. Elle qui marchait droit vers le précipice, ne l’entrainerait certainement pas avec lui, envers et contre les attentes de son cadet. Des efforts, il était prêt à en déployer beaucoup pour elle, plus qu’il ne s’en sentait capable en réalité ; Mais il avait pris le plus dur des enseignement, on ne pouvait pas sauver les autres, d’eux-mêmes. Ce rappel à l’ordre, il le subissait tous les jours ou presque, depuis son arrivée. La survie induisait de combattre le menaces palpables et de réussir à déceler la présence, voir anticiper celles, qui restaient intangibles. La balle était dans son camp à elle désormais, il se campa debout, face à elle, sur la défensive.

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Re: Black slots for amber shots

Mer 2 Nov 2016 - 0:39

Le verre ne fut pas rempli bien que tendu et le regard que lui jeta Orson aurait dû la faire réagir. Pourtant, Cheyenne resta de marbre, se contentant de le fixer du coin de l'oeil sans sourciller face à la lueur nouvelle dans le regard de son ami. Oui, elle savait ce qui lui valait cette colère silencieuse, certaines choses ne devaient pas être dites. Mais si elle ne pouvait pas en parler avec lui, avec qui le ferait-elle ? Orson oubliait que sa comparse n'avait confiance qu'en lui, il était le seul qu'elle estimait vraiment. Mais elle comprenait aussi qu'il y avait l'art et la manière de dire les choses et qu'en cet instant, l'indienne avait fait preuve d'un manque de tact évident. Mais là encore, c'tait une habitude. Cheyenne avait simplement dit les choses comme elles venaient, elle n'avait pas voulu le blessé... mais brute de décoffrage qu'elle était, sa façon de parler de Lawrence avait soudainement jeté un froid en eux. Déglutissant, le regard sombre de la garagiste dévia du visage d'Orson à la bouteille d'alcool qui fut éloigné d'elle alors que mollement son bras retomba. Qu'est-ce qu'il pouvait être agaçant... Ce n'était pas à lui de juger ce qu'elle pouvait boire, en quelle quantité et à quel moment. Pourtant son ami repartit dans un monologue interminable, jetant à son visage une morale qui semblait lui convenir à lui mais certainement pas à elle.

« Ceux de ma trempe... ? La seule chose que j'ai réellement envie de briser là, c'est cette foutue bouteille sur le coin de ta gueule.  Lâches moi la grappe, veux-tu ? »

Cheyenne n'avait même pas élevé la voix, son ton fut traînant, trahissant la fatigue qui la rongeait un peu plus à chaque seconde. Égale à elle-même, l'Indienne se fermait, se montrait butée pour cacher sa propre frustration. Que croyait-il ? Qu'elle n'avait pas conscience de ce qu'elle était . Bien sûr que si et s'était pour cela qu'elle s'accrochait à lui si forte au point d'en être devenue dépendante au fil des mois. Parce qu'elle se savait dangereuse, pas seulement pour les autres, mais pour elle-même avant tout. Dans un long soupir, Cheyenne leva sa main libre pour venir pincer l'arête de son nez avant de se pencher en avant doucement et reprendre la parole sur un ton moins tourné vers la défensive.

« J'essaye d'avancer aussi, je le fais... mais merde Orson, je sais même pas ce que je dois faire, ni où je ne dois aller. Je n'ai plus que toi... c'est aussi flippant que pathétique. Et je ferais quoi le jour où tu seras plus là... ? C'est quoi que je dois préserver, hein . Toi qui sembles avoir toujours réponse à tout avec tes vieilles morales de vieux gourous, tu pourrais peut-être m'éclairer, non ? »

Pivotant le visage vers son ami, l'Indienne darda sur lui son regard fatigué alors que ses avants bras se posèrent sur ses genoux. Le dos voûté, la femme semblait soudainement avoir pris dix années, offrant une attitude totalement différente de celle qu'elle offrait au reste de la communauté.

« Pitié, arrête. Tu me lourdes là. Tout ce que je veux, c'est boire puis dormir. Tu comprends ça... ? Je suis épuisé mais mon corps refuse de lâcher. Je fonctionne aux nerfs... Il y a rien à comprendre là-dedans et... »


Coupée dans sa phrase, Cheyenne fronça les sourcils alors que Orson finit par parler de son frère, du fait qu'il honorait le choix de son cadet. Ouais, c'était sans doute vrai. Cela avait même un côté vexant à dire vrai... Était-il donc là juste pour Lawrence ? Et elle alors, n'était-il pas devenu ami ? Non, c'était la fatigue qui la faisait penser ainsi, elle n'avait pas à douter de lui. Cheyenne glissa une main dans sa longue crinière d'ébène avant de venir la plaquer sur son crâne d'un geste vif alors qu'elle tentait tant bien que mal de remettre ses idées en place. Au fond ce qui la dérangeait le plus, c'était la façon dont Orson pouvait lire en elle. Le vieux la déstabilisait plus qu'elle ne voulait l'admettre, en soi n'était pas un mal, au moins elle avait quelqu'un qui la comprenait. Combien pouvaient le dire autant ? Dans le silence, elle observa Orson qui s'était placé face à elle, la bouteille enfin à portée de main. Pourtant la femme resta immobile, se contentant de lever les yeux vers l'imposante stature qu'était l'entrepreneur face à elle avant qu'elle ne se décide enfin à reprendre la parole.

« Tu sais pourquoi je passe mes journées dehors... ? Pour ne pas avoir à te voir. Ton visage est une torture Orson, ta voix est un supplice... Chaque fois que je te regarde toi, c'est lui que je vois. Je n'ai pas ta force d'esprit, je gère comme je le peux... laisse-moi du temps, d'accord ? Je sais bien que tu fais ça pour m'aider mais hormis toi je ne trouve rien auquel le raccrocher. Maintenant si tu veux bien, je vais boire jusqu'à m'écrouler de fatigue, j'ai vraiment besoin de dormir ne serait-ce que quelques heures. »

D'un geste lent, elle s'empara de la bouteille avant de remplir son verre puis la déposa au sol à côté de sa jambe tendit que de son autre main elle guidait Winnie à ses lèvres. Sans même prendre la peine de respirer entre deux gorgées, la femme s'envoya cul sec ce nouveau verre, ignorant la chaleur vive de l'alcool qui lui brûlait la gorge. Dans une grimace de dégoût, elle brandit son verre en l'air et lâcha.

« Ne reste pas là à me fixer comme ça et bois un verre avec moi ! »

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Re: Black slots for amber shots

Ven 4 Nov 2016 - 14:12


Essayer.
Ce n’était pas suffisant, ou ça le n’était plus. Persistant et signant dans le registre limité de la maraudeuse, elle vint lui servir son habituelle aigreur. Certains s’en effarouchaient peut-être, mais pas lui. Pour avoir mené des ouvriers bien plus sanguins ; En avoir maitrisé même, en certaines occurrences, il n’était pas ou plus impressionnable. Campé sur ses positions, il continuait d’observer sa teigneuse comparse s’affairer à cracher sa bile … Une chose en moins à faire, une fois qu’elle se serait remplie comme une cantine. Encore elle se lamentait, se penchait sur ce qu’elle « pouvait perdre ». Forcé de constater que l’écoute n’était visiblement pas son fort, Orson la gratifia d’un soupir, une profonde manifestation de son exaspération qu’il ne cherchait même plus à dissimuler ces derniers temps. Si elle n’avait pas cédé, elle avait au moins manifesté une once de pertinence : Elle fonctionnait aux nerfs. Et très probablement à la partie reptilienne de son cerveau. Elle avait la tête dure et pas pour le meilleur ; Cette aptitude, selon lui, promettait juste une trop courte espérance de vie.

-« Alors cherche pas à comprendre et continue de t’assommer bien sagement. »

C’est là que vinrent les premiers véritables aveux, du moins, un semblant de quelque chose. Le départ ne semblait pas bien heureux, moins encore flatteur. Quelle conclusion retirer de tout cela ? Si ce n’était que Lawrence n’avait pas fait les choses à moitié avec celle là. Comprendre sa douleur, était compliqué … Elle qui restait captive de cet état transitoire qu’était le deuil et lui qui déployait toutes les forces nécessaires, pour ne pas y replonger. Le véritable problème cependant, n’était pas là ; Il n’était pas lié aux événements mais bien à la nature de Cheyenne. Il s’agissait d’un mal bien plus profond qu’il n’y paraissait. Découpé par les lumières mourantes, le visage buriné de ce vieux briard grisonnant, semblait grave ; L’inquiétant clair obscur se chargeait probablement d’accentuer cette sensation. N’y tenant plus et sans doute encouragé par le tabagisme de la Roadie, il tira une autre cigarette de son paquet. La clope encore éteinte au coin des lèvres, il se laissa aller à un moment d’absence. Bien trop long. L’invitation ou plutôt, la tentative d’injonction de la pocharde en devenir, fut la seule chose capable de l’arracher à ses songes. Une oeillade rapide sur son verre encore plein, lui rappela pourquoi il l’avait invitée … Pour boire un verre, profiter d’un instant d’insouciance.
Raté.

Alors te torture pas de la sorte. Je vais tâcher d’être clair, les lamentations, j’en essuie déjà bien assez. Je ne suis pas là pour moucher les nez et essuyer les yeux des braillards, plutôt pour remettre les trainards sur pieds ; Ceux qui luttent encore pour rattraper le mouvement. Parce qu’en dépit de tout, ils conservent un but, ils continuent d’y croire et ils se battent farouchement pour ce qui leur reste. Ils s’en contentent. Les plus humbles arrivent même à être satisfaits. Ceux qui restent au sol, à hurler et chialer, sont déjà morts …
Tu peux continuer ta représentation de la pisseuse ingrate en pleine crise d’adolescence, ça me pose pas de problème ; Peut-être que la norme claque des genoux devant ce que tu penses être, de la saillie de premier ordre mais je prends ça pour ce que c’est … Un coup dans l’eau. Soit tu es capable de vivre en communauté en acceptant les nouvelles conditions, soit tu préfères te soumettre à l’empire de cette peur. Mais dans ce cas ma petite, tu n’as rien à faire ici. D’un jour à l’autre, n’importe qui peut crever, moi comme tous les membres d’Emerald. Il faudra bien que tu acceptes de composer avec ce que la vie veut bien te céder, autrement tu finiras dans la fosse …


Implacables, ses mots avaient été portés par une colère aussi subite qu’exaltée. C’était bien de la fureur, à peine feutrée par la constance dans sa voix et seulement trahie par ses propos glaçants de dureté. Le fruit sans doute, de trop longs mois à accuser, éprouver et endurer, à tenter de la galvaniser. Les mâchoires serrées à s’en faire saigner les gencives, il posait sur elle un regard saturé de colère. Des jours à la voir piégée dans cette constante, celle qui menait à la plus abrupte et prodigieuse des descentes. Des nuits à entendre les mêmes morceaux, à assister au même spectacle. C’était terminé. Alors que le silence avait précédé les éclats de sa voix, le désagréable bruit du plastique écrasé ponctua le blâme. L’odeur d’alcool venait d’emplir ses nasaux et elle ne manquerait certainement pas d’imprégner le tapis. Le gobelet aplati au creux de la paume, d’où gouttait le whisky, était un avertissement clair. Sanguine ou non, blessée dans sa fierté ou pas, il était préférable de ne pas pousser.

- Maintenant, les règles ont changé. C'est marche ou crève. Si tu veux te préserver et sauver ce qui pourrait rester entre nous, redresse toi et marche putain. - Conclut-il

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