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Lasse

Sam 23 Juil 2016 - 0:22

Je suis sortie ce matin. Non pas bercée d'illusions comme la dernière fois, avec l'idée folle qu'un peu de terre sur mes mains suffirait à en dissimuler les mutilations ; je suis juste sortie. J'étais consciente qu'une fois passée la grande porte du lycée, je n'en serais pas moins livrée à moi-même, à cette petite voix dans ma tête nommée regret, et à ce grondement qu'on appelle colère. Ils ne m'ont jamais quitté depuis ce fameux jour – instinctivement, en y pensant, je porte la main à mon oreille, celle qui est manquante – et j'en tiens le monde pour responsable. Je m'en veux de m'être cru en sécurité ici, d'avoir participé au massacre, ou a la mascarade, ça dépend des points de vue. J'en veux à Moore et à ses chiens de nous avoir attaqués lors que nous n'avions en tout et pour tout que trois ridicules pistolets et quelques paires de soi-disant soldats, incompétents en vérité, pour nous protéger. J'en veux à Jaden et à ceux qui l'ont suivi de n'avoir pas su nous mener à la victoire telle qu'ils l'avaient promise, la victoire totale. Et par dessus tout, j'en veux aux autres de s'en tirer si bien, avec quelques cicatrices tout au plus, ayant déjà fait le deuil de tout ce qu'ils ont perdu en si peu de temps. Si peu... cela fait pourtant cinq mois que nous avons nettoyé le sang et brûlé et nos morts. Mais le brasier en mon sein n'a jamais pris fin, me consumant jour après jour jusqu'à ce que je ne sois plus que l'ombre de moi-même, un spectre pâle, sans volonté ni but, que l'on évite de voir ruminer sa peine et son ressentiment.

Les yeux de Ian, brillants lors de notre première rencontre n'expriment désormais que pitié. Les lèvres de Sally restent désespérément scellées entre deux tentatives de reprendre les communications rompues depuis déjà trop longtemps pour être retrouvées intactes. La douce Dame Bernie n'est dorénavant plus qu'une femme minable et paranoïaque, persuadée de ne voir que trop de regards fuyants à chaque fois qu'elle quitte son duvet, sa table ou son banc.
Amère, je le suis. Cette piètre image que me renvoient miroirs et plexiglas m'insupporte au plus haut point. Et paradoxalement il semble que le costume me colle toujours plus à la peau. « ah ! ».
Deux femmes plus loin semblent avoir entendu mon exclamation, et rebroussent bien vite chemin. Sans doute qu'elle me prennent pour une sorcière folle, du moins c'est ce dont je suis convaincue. Hélas ! Malheureusement pour vous, je suis sortie ce matin. Je suis sortie et j'ai décidé de me planter dans la cour, face à la fresque d'Ayden, faisant de cet espace le mien, privatisé puisqu'il me semble que personne n'ose en franchir les limites, personne n'ose me déranger dans ma contemplation.

Le dessin est joli, harmonieux, coloré. Bel oxymore que de me retrouver devant celui-ci, de la chair manquante et dans mes vêtements sombres alors qu'on est pourtant en plein été. Je ris, ou grince des dents je n'en sais rien, devant le spectacle décalé que je dois offrir.

Puis mon fou rire finit par disparaître. Et un soupir las vient le remplacer. J'ai mal dormi la nuit dernière, tout comme bon nombre d'autres nuits. Ma main m'a fait souffrir. Et puis je n'ai rien de prévu dans mon agenda pour aujourd'hui, je n'ai fait aucune promesse. Et peu me considèrent encore opérationnelle alors on me demande rarement mes services, et même lorsque je les ai proposé beaucoup n'ont pas osé me confier de mission importante, voire même la moindre tâche. Bah ! Si je devais creuser et trouver un point positif à tout ce bon sentiment qui me donne envie de vomir, je dirai que j'ai au moins la paix, et plus d'apparences à sauver depuis un moment déjà.
Alors je m'assois en tailleur, en plein milieu de la cour, face à ce mur de couleurs qui a décidé de me fasciner au moins jusqu'au repas de midi. Et je m'offre même le loisir de somnoler de temps à autre, n'ayant d'yeux que pour la fresque à chaque fois que mes paupières daignent se soulever un instant, y trouvant une sorte de quiétude sans jamais totalement oublier les sentiments bouillonnants dans ma poitrine.
Mais ma foi, je suis sortie et ce matin, ça aurait presque du bon d'être l'estropiée de service.
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Re: Lasse

Ven 29 Juil 2016 - 0:17

Une journée comme les autres ? Bien évidemment que non. Dans ce nouveau monde on ne pouvait pas dire que les journées se ressemblaient, sauf si on se basait uniquement sur la survie. Cette matinée ne ressemblerait à aucune autre et le muet le savait. Il s'était levé, l'air de rien et ne voulant rien. Pas de missions ravitaillements pour lui, pas de garde. Non, aujourd'hui, il voulait simplement être tranquille, se promener, respirer.

A son habitude, Ayden avait passé une partie de la matinée avec Rosaleen puis avait rejoint Ian pour lui parler de sa compagne. Le couple battait de l'aile depuis les mésaventures de la galloise et le français se faisait un devoir de lier les deux tourtereaux du mieux qu'il pouvait. Pourtant cette fois, il ne voulu pas rester toute la journée comme les autres fois. A la place, le brun profita de la bonne journée pour être dehors, pour sentir la brise sur ses joues, dans ses cheveux, pour sentir la chaleur brûler délicatement sa peau. Non, il ne voulait rester bloqué cette fois, pas entre quatre mur. Étrangement, l'espace de la cour l'appelait, réclamait sa présence comme s'il éprouvait, maintenant, tout de suite, ce besoin d'être libre. Il se promena paisiblement dans les différents couloirs de l'établissement, saluant chaque personne qui lui souhaitait la bonne journée. Pourquoi se sociabiliser comme le faisait Seth était compliqué pour lui ? Evidemment, les frères étaient différents, largement différents mais est-ce qu'ils étaient opposés à ce point ? Bon sang, que c'était compliqué d'être handicapé... En se passant la main dans les cheveux le français eut la brillante idée de rejoindre un de ses points phrases. La fresque qu'il avait peint avec Kaycee, un projet de grande envergure pour rendre hommage aux victimes faites par l'équipe mortelle de Moore.

En s'en approchant du mur en question, l'homme se stoppa, observant longuement la silhouette présente. Une femme, à n'en pas douter. Et la tenue... Il ne la connaissait que trop bien. D'un pas lent, léger, le français s'approcha, main dans les poches, sacoche à l'épaule comme à chaque fois, au cas où il devrait communiquer. S'avançant toujours paisiblement, le muet posa la main sur l'épaule de la demoiselle, légère, pour ne pas l'effrayer puis il la contourna, de sorte à se planter face à celle qu'il voyait comme une bonne amie, avec qui il pouvait échanger sans tabou. Une amie a qui il avait apprit la langue des signes. D'ailleurs il leva les mains et se mit à signer doucement.

- Que fais-tu ici, seule ? Tu devrais crever la dalle et de chaud surtout.
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