D’ordinaire, Ezekiel Blackwood dormait d’un sommeil de plomb. Sa mère disait souvent de lui que si un tremblement de terre aurait fait s’effondrer la maison, on l’aurait trouvé dans les décombres, toujours bien endormi. Cependant, cette nuit-là, c’était différent. Agité par des cauchemars aux formes floues, l’homme aux cheveux noirs de jets ne trouvait plus le moyen de rejoindre Morphée depuis une bonne heure. Les yeux grands ouverts, il fixait le plafond, ses deux mains croisées sur son torse. Ces derniers jours, il ressentait une émotion étrange, une émotion qu’il n’avait auparavant qu’expérimenté peu de fois. Une sorte de déprime, un blues. La vie lui manquait. La vraie vie. Ces nuits folles où il gérait son club, discutait avec des clients, des filles, buvait des cocktails et…bref, ça finissait toujours avec une jolie compagne dans sa chambre pour le divertir un peu.
Malheureusement, en ce moment, c’était le genre d’activités qu’on ne pouvait plus se permettre. Le moindre bruit, le moindre éclat attirait ces choses. Ezekiel était contraint de vivre dans un certain silence, lui d’ordinaire si pétillant. Une nouvelle fois, il soupira sur son lit, la gorge desséchée. Non, il ne pourrait pas se rendormir si un désert continuait de lui englober le palais. Il se redressa donc pour aller à la cantine de la station, attrapa un verre et le rempli d’eau des réserves accumulées. Pour l’instant, se servir n’était pas vraiment un problème, tant qu’on ne faisait pas d’excès.
Passant dans le couloir pour retourner à sa chambre, une voix familière l’interpela. S’arrêtant net, il jeta un coup d’œil dans la salle commune, plongée dans une semi obscurité. C’était Nans, un vieux de la vieille, un chic type à ses yeux. Nonchalamment, notre British s’avança jusqu’à lui et tira une chaise en face de lui. Sans s’en soucier, il balança l’eau restant de son verre derrière son épaule et tendit le contenant vers lui afin qu’il y verse son délicieux nectar. Ça faisait un moment qu’il n’avait pas profiter d’un bon whisky.
Une fois servi, il alla humer l’alcool, fermant les yeux de complaisance bien visible. Quelle odeur! Ses cheveux s’hérissèrent sur sa nuque alors qu’un fin sourire se dessinait sur ses lèvres. Il tendit alors son verre en direction de Nans dans l’optique de trinquer avec lui.
- À la fin du monde… du moins tel qu’on le connait!
Sans plus tarder, il prit une lampée de whisky, savourant chaque parcelle de goût, les yeux fermés d’un bonheur alors indescriptibles. Maintenant, on devait profiter des plaisirs les plus banals de la vie, car on ne savait plus quand on pourrait goûter de nouveaux aux bonheurs anodins.
L’homme se calla dans sa chaise, fixant d’un œil tranquille son verre.
- Ta fille arrive à dormir avec tout ça? demanda-t-il.
Il employait rarement le prénom des enfants. C’était comme donner un nom à un petit animal qu’on aurait trouvé dans la rue. Si on leur donne des noms, on finit toujours par s’y attacher, et Ezekiel fuyait les enfants comme la peste. Pas qu’il les détestait vraiment, mais il n’était pas à l’aise avec les marmots et ils avaient tendances à lui taper un peu sur les nerfs.