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Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez]

Jeu 19 Mai 2016 - 21:53


RAFAEL ÁLVAREZ
22 • AMÉRICAIN & PUERTO RICAIN • CUISINIER / SERVEUR  • TRAVELERS

i've got a war in my mind

Dans sa famille, on n'arrête jamais de se battre. L'abandon est un crime. Ce n'est pas un choix. C'est une nécessité. Les autres se moquent que vous crachiez vos tripes. Ils passeront à coté de vous, choisiront de regarder ou de ne pas regarder. Marche ou crève. Cette implacable vérité sévit en Amérique dans ses quartiers et pas uniquement les plus pauvres.
La mentalité de fer de Rafael est guidé par la loi du plus fort. Son envie de ressembler à son aîné l'a conforté dans son idée de ne pas se laisser aller sur le courant de la vie. D'une certaine façon, Hernando est pour lui un modèle de force et de motivation. Mais cela ne l'empêche pas de venir lui chercher des problèmes. Le provoquer est une façon pour lui de s'affirmer, d'exister et de ne plus être ce petit frère à protéger.
Cette position de petit dernier a été le principal vecteur de cette mésentente. Rafael ne l'appellera jamais grand frère.

Rafael. C'était le plus fragile. Celui qui tombait souvent malade, celui que maman cajolait quand il avait mal, celui qu'on protégeait. Le faible, le moins imposant, le plus transparent. Que sais-je... Et ça, ce malaise persistant, il s'est répercuté dans sa manière d'être avec son entourage et surtout avec son frère. Son créneau, ça a toujours été les disputes, les cris, les aléas de la colère, les lancés d'objets. Ce désordre affectif a creusé en lui des émotions qu'il ne comprend pas lui-même. Toujours dans la perte de contrôle, dans son monde, tout est une question de force et de puissance. C'est statistique. Le plus fort gagne dans la majorité des cas. le fort survie, le faible meurt. Ce n'est pas compliqué, tu veux un schéma ? Inutile d'alimenter les rêves de tout à chacun. Pour continuer à faire tourner la roue, il ne faut jamais s'arrêter de courir. Dans une Amérique qui s'étouffe, les quartiers difficiles mènent la vie dure aux familles qui y habitent. mais je n'ai pas envie de pourrir avec eux.

Le latino a appris à vivre au jour le jour. Il ne s'arrêta jamais de courir.
Il dort suffisamment pour tenir, essaie de manger équilibrer pour être en de bonnes conditions physiques, fait régulièrement du sport pour le souffle et la ligne, et ramène un peu d'argent à la maison. Si maman et son job l'ont bien aidé pour connaître les bases en nutrition et les plantes comestibles qui poussent dans la forêt, tout passe par l'enseignement oral. Il déteste lire. Il déteste les profs et l'enseignement. Il déteste les érudits ou ceux qui croient s'élever un jour en piétinant les autres. Il déteste aussi l'État. Les poubelles renversées. Il déteste aussi les patrons, les tortionnaires et les bâtards des rues. Rafael, il trouvera toujours quelque chose à détester. Ce mécanisme de défense intérieur, ça lui redonne un souffle de vie, le moyen de parler, de commenter, de déterrer les choses moches des bas quartiers aussi, et de les montrer à la face du monde.

Rafael, il est infatigable et parfois fatigant. Il a beaucoup d'énergie à revendre, toujours d'accord pour se bouger, faire mille et une activité. Les nuits blanches, ça lui soient souvent arrivées. Tant qu'il peut se sentir vivant, bouger, et voir des gens.
Il est jeune aussi. Il s'amuse. Mais il sait se débrouiller dans la vie. Il ne fait pas que divertir et amuser la galerie. Rafael n'est pas du genre à regarder le plafond et attendre que le temps passe. Il a constamment besoin d'être en mouvement et d'alimenter les conversations. Un silence qui s'éternise peut le faire tomber dans la critique ou les reproches.

Ses parents lui ont beaucoup donné, ses frères aussi... Il est celui de la famille, le petit dernier, qui a sans doute le plus reçu au cours de sa vie. Vous croyez que cela aurait dû faire de lui un altruiste ? Qu'il aurait pu être quelqu'un qui offre plutôt que quelqu'un qui se sert et qui prends aux autres quand ça éveille sa convoitise ? La réponse, on la voit dans le cadre social qui s'appelle l'école. Là où la guerre est la plus difficile. On a beau forger l'âme d'un garçon au sein d'un foyer, l'école modifiera autrement son comportement. Pour paraître fort, il vaudra mieux jouer les petites frappes. Rafael s'est pris à ce jeu, il a grandi avec cette mentalité de vouloir être, et il a préféré rester dans cette zone de confort, de sécurité. Ce n'est en rien plus facile. Il a simplement fait le choix de ne pas être la victime.

Rafael ne doute pas. Il croit en ses capacités et restera persuadé jusqu'à l'échec que son action est la meilleure voie possible. Il ne sait pas suivre une demande, et encore moins un ordre.
Son assurance et sa persévérance l'ont aidé à atteindre la majorité de ses objectifs. Retrouver rapidement un travail n'a jamais été un parcours du combattant pour le jeune homme. Son charisme et son aplomb sur le coup ont fait le travail. Il saura sourire et charmer le futur employeur, expliquer ses intérêts et ce qu'il pourrait apporter aux enseignes. Chez le latino, on admire particulièrement ses doux sourires et ses belles manières.
Mais tout n'est pas rose... Et dans le milieu du travail, chez Rafael, tout finit toujours par le faire basculer dans une colère noire. Il a beau briller et vous faire palpiter : la moindre étincelle et il s'enflamme. Des remarques, des reproches, des commentaires ou un ton, et il laissera éclater la bulle. Il n'a pas peur de se mettre en colère. En réalité, il explose, s'énerve, brise les choses, et il n'est jamais apte à avoir des discussions posées avec les gens. Il n'est jamais dans la retenue, il ne tient pas ses mots, et il ne se conforme jamais aux règles. Dans son esprit, chaque propos à son encontre lorsqu'il est dans cet état se transformera en agression. Le client n'est roi chez lui que s'il ne se prend pas pour Dieu. Ou les clients je les emmerde.En fin de compte, ses révoltes contre tout et rien noircissent son tableau et le rend difficilement supportable. La colère le pousse dans l'abîme et le transforme en adolescent enragé. Demandez-lui après coup pourquoi il s'est énervé, et il ne saura pas réellement mettre des mots sur son impulsivité et pourra certainement retourner se baigner dans cette colère. La colère le fait régresser et il n'a aucune maîtrise sur ces émotions lorsqu'il est dans cet état. Il ne connaît donc pas le mot stop...

Rafael a vécu beaucoup de choses, mais il est encore immature sur de nombreux niveaux. Sa langue se délit sur des injures, des moqueries ou des critiques. Il s'amuse à détruire votre image, à vous souiller autant qu'il le peut, pour vous faire paraître petit et misérable. Si vous voyez cette part glaciale de sa personnalité c'est qu'il ne vous estime pas, et ne vous estimera jamais. Si vous avez le droit à quelques petites piques acerbes, c'est juste qu'il a envie de vous titiller les doigts de pied.
Pour Rafael, il est tellement facile pour lui d'humilier autrui par la violence, l'acte ou la parole peu importe. Persécuteur, il aime être le bourreau pour tourmenter les plus faibles. Ça lui donne tout simplement une impression de puissance qui a tendance à se tarir bien trop vite... Et, indéniablement, cela comble ce vide en lui, cette impression de ne pas être le dernier, le fragile, ou le pot de fleur décoratif. Il préfère qu'on le voit, qu'on l'entende.


and blood on my hands

Rafael fait un mètre quatre-vingt un pour soixante-dix kilogrammes. Ses cheveux sont aussi sombres que ceux des corbeaux, et épais, très épais. Ses grands yeux bleu-gris lui viennent de sa grand-mère du coté de sa mère, la génétique fait parfois des miracles. C'est une couleur pas forcément très courante dans la famille, mais qui a sauté plusieurs générations. Sa silhouette est bien ciselée, et une fine musculature dessine ses abdominaux, ses bras et ses jambes. Contrairement à son frère, il n'a pas passé ses journées en salle de musculation mais plutôt dans des parcs le soir avec ses amis. C'est fou comme les airs de jeu pour enfant peuvent se transformer en squat d'entrainement.
Sa barbe naissante souligne les traits de son visage en renforcent la précision de son regard. Depuis qu'il se laisse pousser la barbe, il fait quelques années de plus, on ne lui donne pas 22 ans. Comme signe particulier, il porte une boucle d'oreille à l'oreille gauche qu'il s'est fait avec une aiguille chauffée à blanc avec son meilleur ami il y a environ 7 ans. Il porte également plusieurs bagues aux doigts qui témoignent d'une certaine obsession matériel et d'une extravagance non dissimulée.

Un sac pour les randonnées récupéré dans une grande surface fait office de fourre-tout. Solide et surtout confortable, il a tendance parfois à oublier qu'il repose sur ses épaules.
On trouvera majoritairement des piles, une lampe torche d'enfant, quelques boîtes de conserve, quelques restes de cartouches pour son Colt M1911 (qui ne fera pas long feu.... s'il ne trouve pas d'autres recharges), des mouchoirs, une gourde de grande taille et une petite qu'il a également récupérée dans un magasin de sport. Pour avoir plusieurs fois écrasé la bouteille de flotte en plastique lors d'une chute, il a trouvé cet autre compromis efficace et durable... Maladroitement accroché à la ceinture un couteau de boucher en mauvais état s'y trouve. Il pense à en changer avant de se retrouver avec un manche sans lame en main, et de se trouver accessoirement dans la merde.
Rafael raffole de tout ce qui à le goût ou l'odeur de la menthe. Lorsqu'il a l'occasion de récupérer des bonbons, des chewing-gums avec ces goûts-là, il les fourre dans son sac. Il a d'ailleurs un échantillon de chewing-gum dans la poche avant de son sac. L'arôme a des fonctions apaisantes sur lui. Oui, ça pourrait calmer une de ses colères.
À coté de ça, il a repris la cigarette depuis la mort de sa mère et fume occasionnellement. Il garde quelques paquets de Marlboro dans son sac. Paquets perdues au fond du contenant et largement écraser part le reste du contenu.
Dans sa poche arrière, une photo de famille pliée y a trouvé refuge. Rafael y accorde beaucoup d'importance et c'est l'unique chose qu'il a souhaité garder de son portefeuille. Il n'arrive pas encore à se défaire de cette image qui parfois l'aide à se remettre sur pied et ne rien lâcher.
Son colt jongle entre ses mains et sa ceinture. Il ne dort jamais sans son arme à feu qu'il ne maîtrise pas aussi bien qu'il le voudrait. Il vise à peu près correctement en situation de stresse intense, mais c'est encore loin d'être parfait...

a storm is coming

Tu penses à quoi ?
À une vie meilleure.
Tu crois pas qu'il faudrait arrêter de la rêver et essayer de la vivre pour de vrai ?
Non. Elle coûte chère, cette vie-là.

1994, c'est l'année de sa naissance. Dernier né d'une fratrie de trois garçons, Rafael s'est imposé comme le petit roi de la famille. En tant que dernier, après tout, tout lui revenait de droit. En passant par les jouets que ses frères voulaient bien lui donner (ou abandonner), des habits parfois trop grands qu'on lui attribuait et des cajoleries à profusion. N'avait-il pas hérité des traits de sa mère et de sa faible constitution ? Rafael n'a pas eu une vie de nourrisson très facile. Il ne s'en souvient pas, mais il a souvent fait peur à sa famille à chopper tous les rhumes du monde. Dieu sait que les médicaments coûtent cher lorsqu'on n'a juste de quoi payer un loyer médiocre et quelques sachets de pâtes. Puis à l'âge de quatre ans, sa constitution s'est sensiblement améliorée. Il était toujours fragile, mais il tombait moins souvent malade.

Dans sa famille, au début, c'était normal de voir le père rentrer tard, tout en sueur, éreinté par son travail et ses heures supplémentaires. C'était normal aussi pour Rafael, de s'endormir entre Juan et Hernando sur un matelas à même le sol dans une chambre minuscule. Le maigre repas dans l'assiette de tout le monde, ça aussi ça l'était. Les cris et les disputes des voisins, les nuisances sonores, les coups de feu occasionnels en dehors, la sirène de la police ou des pompiers, les larmes de maman, le corps fatigué du papa ou des disputes avec ses frères qui volaient dans ses affaires... Tout ça c'était ordinaire. Une vie difficile. Mais une vie qui lui paraissait normale. Parce qu'il avait ce qu'il fallait en dose d'affection. Il avait l'amour de ses proches. Et ce gamin-là, il sentait qu'il avait encore le droit de rêver, à demi enfermé dans cet imaginaire de chevalier et de dragon. Les histoires que sa mère et ses frères lui racontaient, c'était le meilleur des breuvages. Ça ne les empêchait d'être des frères et de se disputer pour des broutilles.

L'année 2000 fût la pire. Elle marqua aussi le début d'un mutisme inquiétant chez le jeune garçon de six ans qui apprenait à peine à comprendre les dangers de ce monde. L'incompréhension de cette perte fût dévastatrice pour l'ensemble de la famille. Leur père était décédé d'un cancer. Un cancer, c'était quoi ? Mère était au courant depuis le début ? Mère disait que c'était pour préserver les meilleurs moments, pour ne pas déchirer la famille trop tôt avec cette révélation. Et là, n'était-ce pas pire de ne rien avoir vu arriver ? Et les enfants eux, qu'allaient-ils faire sans cette référence paternelle ? On peut bien dire, qu'il était si peu présent au foyer, que les garçons auraient pu finir par distancer cette douleur. Des minces souvenirs filaient dans son esprit, des moments précieux que le dernier allait petit à petit étouffer. Plus de sport avec son père, plus de sortie. Si ces moments étaient rares, les gestes étaient toujours emplis d'affection. Et c'est sans doute cette main sur sa tête, chaque fois qu'il rentrait à la maison, qui restait le souvenir le plus figé.
Cette première année sans l'ombre bienveillante de Cornelio marqua une grande période de vide chez Rafael. Les absences répétitives de sa mère, et la présence de plus en plus importante de ses frères, ne l'aidèrent en rien à supporter cette absence. pourquoi maman doit aller travailler ? Pourquoi elle n'est pas là quand j'en ai besoin ? Elle n'est jamais là. Elle fait comme lui. Son petit château de cartes s'était effondré, et il continuait à le regarder lasse sans essayer de les remettre à leur place. C'était cassé, ça resterait cassé...
Il en revenait à Hernando de tenir la maison pendant que mère travaillait pour subvenir aux besoins primaires de ses gamins. C'est sans doute au cours de cette année qu'il aurait peut-être eu le plus besoin de l'affection de sa mère pour combler cette absence et cette impression d'être délaissé. Il commença dès sa septième année à témoigner des sentiments de rejet vis-à-vis des plus grands, repoussant toute forme d'autorité. Les bras croisés, les mines boudeuses, et les cris emplissaient déjà le petit être qui se débattait autant qu'il le pouvait. Cela n'empêchait pas au petit dernier de se réconcilier avec ses frères, de s'amuser avec eux, et de reprendre ce même schéma colérique le lendemain.

Très tôt, il a nourri une aversion pour les grandes personnes, pour l'institution, pour les plus grands, pour les plus forts. Cela lui rappelait tout ce qu'il n'aimait déjà pas à la maison. L'ordre, le respect, les règles. L'impression d'être dans l'ombre de ses frères, d'attendre qu'ils réussissent, qu'ils fassent des choses bien de leur vie, pendant que lui restait là à les regarder.
À l'école, il s'est accroché à une petite bande d'amis. Des gamins perdus, sans importance. Des enfants enfermés dans leurs propres réalités. Des enfants qui croyaient que le monde leur appartenait. Rafael en a eu des punitions et des rappels à l'ordre. Insubordination, lancée de papiers, des rats dans la classe. Tout ce qui pouvait perturber un cours l'enchantait et lui donnait l'impression de faire la loi.
À douze ans, il entrait au collège. Il apprit aussi à avoir de l'importance aux yeux de ses camarades de classe. Même si pour lui la popularité allait avec la crainte. Ici, c'était pas l'un sans l'autre. Ça rendait sa mère toujours plus triste d'être convoquée et ça rendait ses supplications toujours trop désagréables. Pourquoi devait-il se sentir obligé de faire comme ses frères, le minimum syndical, travailler à l'école ? À quoi cela servirait puisqu'il ne sortirait jamais des rues poisseuses de Seattle ? Il n'avait pas envie de leur ressembler. Il voulait être plus... Pourtant, être le plus fort, c'était bien le crédo d'Hernando non ? C'était là tout le problème. Il l'admirait trop pour avouer qu'il avait envie de lui ressembler et de ne pas craindre de passer pour un faible. Alors adolescent, il n'avait rien trouvé de mieux que la rébellion. Ça marchait assez bien. Il n'avait pas eu de problème. Il ne s'attaquait qu'aux minables, qu'aux faibles, qu'aux proies faciles... Pas de risque de retour de flamme.
Inlassablement, il répéta ce schéma. Faire souffrir, taper là où ça faisait mal, nier lorsqu'on était au bord du ravin. Ça lui faisait plaisir, ça lui donnait l'impression d'être un petit chef, un petit roi, et d'avoir le contrôle.
Mais l'école n'avait rien à voir avec la rue. Rien. Ce n'était plus un jeu où on attendait le petit gringalet du mois devant la grille pour lui tirer son maigre argent de poche, ce n'est plus le groupe de looser qu'on poussait contre un casier pour lui faire peur, ce n'était plus un gobelet renversé sur la fille trop studieuse. C'était plutôt des échanges de tirs, des bruits stridents de sirène qui résonnait. Et la mort, la vraie, celle qu'on n'a pas le temps de voir parce que la balle vous perce trop vite. Elle siffle. Elle vous perce et vous tue. Point. Rafael commençait à sentir l'odeur de la rue, de la drogue, de la poudre et l'odeur de l'argent. C'était un peu ça qu'Hernando devait sentir en ouvrant lentement la porte de leur chambre pour aller dormir très tard le soir. Comme si de rien était.

Puis dans sa semi-obscurité, il y avait eu elle. Une amie à son frère qu'il avait repêché il ne savait où mais qu'il emmenait un peu partout avec lui. Une petite perle comme il n'en avait jamais vu et qu'il se promettait de posséder. Il le savait, il la voulait, quitte à attendre des années avant qu'elle ne daigne vouloir de lui. La différence d'âge jouait en sa défaveur. Mais c'était elle n'est aucune autre, sinon il était sûr d'en mourir. Son obsession pour cette fille le poussa à l'approcher de plus près, à l'accoster sans arrêt quand elle était à la maison, à la flatter, à la faire sourire. Toute marque de bonheur le rapprochait un peu plus d'elle. Il la voyait comme la fille intouchable, mais pas inaccessible. Ces années-là, il en oublia presque de retourner sa salle de classe et de se transformer une bête noire de l'école. Il en oublia presque les conflits qu'il avait avec sa famille. Il n'y avait eu qu'elle et elle était rentrée en plein dans son petit monde. Paige ça a été l'amour de sa vie, celle qu'il aurait pu rendre heureuse s'il n'avait pas laissé plusieurs fois sa langue se délier sur des remarques acerbes et des commentaires injurieux. Celle qu'il a réussi en quelques semaines à posséder à force d'acharnement, celle qu'il n'aura jamais réussie à se sortir de la tête, celle qui lui a appris les premières délices de l'amour.

Mais la mort de Juan mai 2009 dans une fusillade marqua le latino d'une profonde entaille dans l'âme. Cet ultime trou noir dans sa vie le replongea dans cet océan de violences et de vices. Il laissa tomber les faux-semblants et fit passer ses humeurs sur tout le monde. Le moindre désaccord, le moindre reproche, et il prenait la dispute à coeur. À ce moment-là il perdit définitivement sa petite amie. Il l'oublia, il alla voir ailleurs pendant une soirée. Il multiplia des sorties à l'extérieur et se lia d'amitié avec l'ami d'un ami. Sohan, un pauvre gars totalement déluré qui passait ses heures à se piquer, à fumer de la mauvaise et à se branler devant des pornos. Il s'en fit un ami, un très bon ami même. Rafael voyait en lui une échappatoire, la malchance de pouvoir toucher du bout des doigts tout ce qui avait de plus moche dans la rue. Rafael eut le droit à ses premières doses, et à ses premières séances de tir. Marche ou crève. De cette dépravation-là, il n'en toucha qu'un morceau. Sohan était encore bien trop éloigné de ce cercle pour qu'il y mette réellement un doigt de pied un jour. Pour des amis parfois, Rafael échangeait quelques grammes de cocaïne, mais rien de plus. Il rendait services pour avoir son petit pactole, sa dose perso, c'est tout. Rien de bien méchant. Il faisait même pas partie des petites frappes. Tout juste un des reclus de la société qui passait sa vie avec cet ami-là. Mais avec Sohan au moins, il pouvait tout dire. Avec son frère là, Hernando, ça n'allait jamais bien. Il en parlait souvent de lui. Il le mettait toujours en colère. Il croyait tout savoir, pouvoir maîtriser sa vie alors que lui avait clairement mis les pieds dans ce plat de sang. Tu crois que je sais pas hein ? Que j'suis con ? Qu'on n'a rien vu de tout ça ici ? Puis ça partait, ça criait. Et il voyait du coin de l'oeil sa mère se boucher les oreilles, le regard suppliant.
Et la jolie Paige, elle subissait sa descente aux enfers. Il ne se passa pas un mois de plus sans qu'elle ne vienne lui apprendre la nouvelle. Qu'il l'avait trompé avec une petite blondasse de merde, la soeur d'un des amis à Paige. C'était vite remonter à ses oreilles, mais il n'a été pas été capable de lui dire franchement que oui, il avait baisé avec cette fille parce qu'elle lui faisait de l'oeil. Au lieu de ça, il avait nié, inventer une histoire de merde pour qu'elle se taise. Mais elle n'était pas partie satisfaite, elle était partie tout court. Et il lui avait crié qu'il s'en foutait, qu'il en aurait d'autres. Bon dieu ce qu'il avait regretté de le lui avoir dit ça, bon dieu qu'il se serait même arracher la langue avec une pince s'il en avait eu le cranc.

Ça plus ça, plus ça. Ça le faisait chier. Tout son petit monde s'écroulait, pierre par pierre dieu décidait de décimer son petit monde de merveille foireux. Mais il se le répétait encore... Qu'il était sûr que ça changerait rien à sa vie de merde. D'ailleurs, il avait à peine eu ses 17 ans qu'il avait décidé d'arrêter l'école, comme ça, du jour au lendemain. Sans obtenir ce diplôme, parce qu'il n'en voulait pas ou parce qu'il avait trop peur de le rater... Pas de longue discussion avec maman, ni avec le frère, rien que sa face et son miroir. Il prenait la décision de tout arrêter. À quoi cela lui servirait ? Il ferait jamais d'études longues. Pas comme Juan, qui aurait été la petite fierté de la famille... Lui qui avait les capacités et l'envie. Rafael n'était pas bon à ça... Apprendre, bouffer des lignes et des lignes de chiffres, avaler des connaissances. Non, il préférait aller gagner de l'argent, vivre cette vie de galère comme son père l'avait fait avant lui. Suer jusqu'à en cracher ses tripes... Vraiment ?
Il aiderait sa mère Paula. Il serait plus utile qu'à roupiller sur le bois sale des bancs de l'école. Il ne moisissait pas là-bas. Entre dans la vie active et continuer de faire le tour des squats avec son meilleur ami, c'était un peu devenu une vocation. Ou un chemin facile... Mais qu'est-ce qu'il allait bien faire, d'ailleurs, là-dehors ? Il n'y avait même pas réfléchi.

Un jour il se retrouvait au fourneau, un autre à faire le service en salle, et un autre à faire des cocktails en boîte de nuit. Il fit tous les boulots de merde inimaginable, coursier, facteur, caissier... Mais il avait fini par arrêter son choix sur la restauration où il s'y était sentie le plus à l'aise. Derrière, dans les cuisines, à la plonge ou dans la salle avec son plateau. Ça lui allait. Il s'est même trouvé un don insoupçonné pour la cuisine. Il a même commencé à aider sa mère en cuisine et renouer avec elle. Il rentrait en nage, avait des horaires de merde, mais il pouvait faire autant d'heures supplémentaires qu'il le voulait. Ça lui vidait la tête, il en oubliait son nom, et ça lui convenait. Jusqu'à ce que les clients ou le patron commencent à devenir irritant et que sa langue le démange. Rafael en était déjà à son quatrième travail fixe. Insubordination, colère noire, menace, perte de contrôle. Mais ça... ce caractère de chien, ça ne l'a jamais empêché d'être un bon élément et de ne pas avoir peur de bouger dans Seattle avec un CV dans la main.

Depuis Paige, sa vie amoureuse était devenue encore plus chaotique. C'est lorsque sa vie professionnelle allait mieux que son nom avait ressurgi dans une conversation d'Hernando prise à la volée. Elle se mariait . Sérieusement ? Avec qui putain ? son poing le démangeait à entendre de telles conneries. Ça faisait combien de temps qu'il n'avait pas eu de nouvelles d'elle ? Deux ans, peut-être trois ? Peut-être moins ? Depuis qu'il avait pris sa vie en main avec ses multiples boulots, il en avait oublié qu'elle, elle était partie vivre loin d'eux, proche du centre-ville, à rêver d'études et d'une belle place dans la société. Ce n'était pas tant le fait qu'elle se soit éloignée et qu'elle ait vécu sa propre vie qui lui agressait la conscience, c'était que quelqu'un d'autre puisse la combler, la faire sourire et simplement lui passer la bague aux doigts. Hernando n'a rien voulu lui dire, et ça l'avait tué. Pourquoi n'était-il pas invité tiens ? Et là, l'idée la plus conne de sa vie lui était venue. Il avait fini par avoir eu l'info. Il n'avait qu'à s'y inviter à son mariage. Lui montrer que si elle devait épouser quelqu'un, ce n'était pas ce petit con de merdeux avec trois sous de plus que lui en poche, c'était lui. Dans sa tête, il se voyait presque arriver en héros, avec les bonnes paroles, à demander l'arrêt de ce mariage parce qu'il l'aimait trop. Toutes ces belles conneries qu'on entend dans un nanar, mais il n'a jamais dit ce qu'il avait ruminé, et ça ne s'était jamais passé comme il l'aurait voulu. Ça s'est plutôt mal fini. Il avait été trop fier pour lui dire clairement ce qu'il pensait, il avait plutôt craché sur le connard qui lui tenait le bras, avait manqué son nez de peu. Tout ce qu'il avait retenu, ça avait été le regard grave de la petite brune et ses commentaires glaçants. Il l'avait là son retour de flamme.

Il est retourné au restaurant. A repris sa vie là où il l'avait laissé. Puis une idée avait fini par germer. Pourquoi pas lui ? Pourquoi il n'allait pas essayer de passer son diplôme, d'avoir une formation ? Il avait commencé à en parler à sa mère, qui avait accueilli l'idée avec beaucoup d'engouement, il en avait même un peu parlé avec son frère qui était partie vivre sur Tacoma. Avec ça, un diplôme et une formation, ils pourraient peut-être s'y mettre à deux pour retourner sur les terres de ses parents à Porto Rico. Il avait commencé à faire les démarches, mais toute cette merde avait chamboulé ses projets. Toute cette merde avait fait tout foiré. C'était le début de la fin. Bienvenue apocalypse.

on the highway to hell

Mi-octobre 2015. Lorsque des choses bizarres ont commencé à se produire aux États-Unis, le frère venait de repartir pour Tacoma, sa petite ville tranquille. Les faits divers, ce n'était pas trop ce qui intéressait l'Álvarez. Ces sujets ne faisaient qu'alimenter les conversations de comptoir. Rien de plus. Puis, dans la nuit du treize octobre, il avait fait partie des millions de viewers qui avait visionné ces vidéos sordides. Pour un fake, ça sortait de l'ordinaire. Un collègue de travail lui apporta régulièrement les infos lorsqu'ils allaient en pause ensemble. Il écoutait, mais il continuait de penser que toute cette merde allait se terminer. Pas qu'il est foi en l'État Américain. Cela ne lui venait juste pas à l'esprit que le peu qu'il avait puisse s'écrouler un jour.

Les journalistes dissimulaient des informations capitales. La télévision diffusait le minimum syndical. L'avancée de certaines enquêtes, mais surtout... il était demandé à tous de garder son calme. Sa mère passait ses soirées collée au poste de télévision, comme obsédée par tout ce qui pouvait sortir de la boîte. Le soir, il entendait la radio tourner sur des infos sensibles. Elle s'endormait avec ça ou était-ce juste l'inquiétude qui commençait vraiment à la gagner ? Lui, il a commencé à penser que ça merdait vraiment quand il a vu les forces de l'ordre débarquer en masse dans les rues pour nettoyer. Les pas vacillants de marcheur étaient encore un mirage. Il devait arrêter de croire que la plaie purulente allait se refermer toute seule. Là, ça a vraiment commencé à le faire flipper. Même si de ses yeux, il n'avait pas encore vu.

22 octobre 2015.

« Vous restez là où vous êtes … Faites le moins de bruit possible… Et surtout… Surtout ne bougez pas de l’appartement. » C’était la dernière fois qu’il entendait la voix du frère. Il avait été retardé au sud, près de Tacoma. Hernando avait évoqué la possibilité d’avoir du mal à traverser la ville. Les sons des cris de colère et des explosions en arrière-plan étaient assez significatifs pour saisir que les rues autour brûlaient. Mais ce n'était pas censé le ralentir, le frère devait contourner le problème. Ce n'était pas négociable.

Ils auraient suffisamment pour survivre un moment sans avoir besoin de sortir qu’il avait dit. À trois enfermés dans le petit appartement de sa mère, l’atmosphère était déjà étouffante. Son regard s’était glissé sur l’air terrifié de la femme. À trois à se ronger les ongles dans ce silence de plomb. À trois à être spectateur du massacre là-dehors, ouverture sur le chaos du dessous. Sa mère, son meilleur ami et lui, à tourner comme des fauves en cage dans un appartement qui leur semblait déjà trop exigüe. À moins que cela ne soit que lui qui n’étouffait déjà alors que la tonalité du téléphone sous entendant que l’appel avait été interrompu.

« Rester silencieux… Il se fout de ma gueule… » Cette demande claquait dans ses oreilles, comme un ordre et en même temps un avertissement. Demande qu’il allait suivre, écouter pour une fois, parce que le ton grave d’Hernando avait été suffisamment convaincant. Le contexte jouait aussi en sa faveur. Alors il avait supporté de piétiner l’appartement mille fois, de tourner comme un lion en cage, à supporter les coups de feu dix mètres plus bas et les hurlements des gens. En interne, Rafael avait fait le mince effort de supporter les gémissements désagréables de son meilleur ami. Il avait supporté le regard larmoyant de sa mère. C’était de trop, mais il l’avait supporter.

26 octobre 2015

« Arrête de regarder dehors Rafael. Éloigne-toi de la fenêtre. » Elle venait de tirer les rideaux. Tout s'était assombri dans la pièce, jusqu'à son regard. Sa mère avait glissé ses mains sur ses épaules, effectuant une légère pression pour l’inciter à reculer vers la cuisine. C’était l’heure de manger. Elle était chaque jour plus calme, plus silencieuse. Elle devenait une ombre. Elle disait garder espoir pourtant elle n'avait pas arrêté de pleurer. Elle n'arriverait à tromper personne Rafael continuait d’accumuler cette colère de ne pas le voir arriver, lui son frère, et d’attendre éternellement quelque chose qui ne viendrait jamais. Sohan, son meilleur ami, n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'il avait passé la porte de l'appartement.
« Hernando a dû avoir des ennuis… Ça l’a ralenti… Mais il viendra…
- On aurait dû rejoindre ces camps. On aurait jamais dû l’écouter… Superbe idée de merde que de rester bloqué au quarantième étage d’un immeuble... Possible qu’on ne puisse même pas descendre ces foutues étages avec l’bordel qu’on a entendu l’autre nuit… »
Des hurlements, des grognements, quelques étages plus bas... Et ça n’avait pas arrêté de hurler pendant des heures. Combien comme eux étaient restés bloqués chez eux à attendre un frère qui les avait abandonné ? Sa mère avait beau dire le contraire, plus les heures défilaient, moins il y croyait à sa version à elle.
« Il a dit d’attendre…
- Plutôt crevé… »
Puis ce drogué qui les lui brisait à passer ses journées sur le canapé du salon à regarder le plafond. Sans rien dire, sans rien faire. Il gémissait dans son sommeil, se réveillait en sursaut, des cernes creusaient son visage. Il avait passé les portes de l'appartement pâle comme un mort, avec du sang sur les vêtements. Ce con n’avait rien eu à dire.

28 octobre « Tu sais pas c’que j’ai vu dehors mec… T’as rien vu de cette folie là… Sont devenus tous tarés ces gars dans la rue… Ils ont même eu ma copine… T’comprends rien, rien, rien. Va te faire, fou moi la paix putain… Dégage...
- T’avais pas à toucher à ta merde putain. T’es chez moi, pas au bled. File moi ce qu’il te reste. File. Donne-moi ça... Donne où j’te balance par la fenêtre avec ! » À force de tirer sur la veste de son meilleur ami, qu’il se débatte, se roule en boule, s'éloigne, il avait fini par perdre patience et lui foutre son poing dans la figure. Il était à cran, ils étaient tous à cran. Et ça avait dégénéré. Sohan avait sorti un flingue de son blouson, le canon droit sur son visage. Les mains de son meilleur ami tremblaient à mort. Ses yeux étaient fous. Il était complètement malade. Et cette arme, d'où elle sortait ? Il n'avait pas d'armes ici. Mamà n'en avait pas non plus.
S'il avait été psy, il aurait peut-être vu avant qu'il était au plus mal, cet ami-là. Qu'il se dégradait de jour en jour. Que son mutisme et cet enfermement étaient en train de le rendre fou. Il s'était enfermé dans ses cauchemars, sans rien partager, et il avait pris une dose de trop. Ce con.
Et lui, il suait tellement il avait peur qu'il appuie sur la gâchette.
Les mains protectrices en devant, le visage grave, il reculait. Il était la cible d'un furieux instable. Qu'est-ce qui l'avait pris de l'inviter chez lui ?

Puis elle était apparu. Comme un flash à quelques mètres de lui. Les regards avaient convergé sur elle, elle avait lâché son torchon de vaisselle quand elle avait compris ce qui se passait. Et le coup était parti. La balle avait percé. Il aurait juré la sentir frôler son visage. Mais c'était une illusion. Sa petite maman était bien trop écartée de lui pour que le coup ait pu le frôler. Le cheminement de la balle était flou. Cette eau opaque dans laquelle il était en train de se noyer brouillait sa vision. Le coup était parti. Anéanti. Défiguré. Mortifié. Tout était devenu complexe. Le mur n'était plus droit. Il se sentait tomber, défaillir. Ce sifflement sourd se répercutait dans son crâne.
Cet enfoiré. Cet assassin. Il, lui, l'autre, il restait figé, surpris, l'arme pointait sur elle. Elle qui avait glissé, la main tout contre cette tache rouge sur l'estomac qui grandissait. Carmin. le coup était parti. et il allait le buter, l'étrangler, le mutiler, le défenestrer. Cet instant de surprise, dans son esprit mort, anéanti tout trace de réflexion. Il avait juste envie de le tuer. Le dépecer. Lui faire mal. Lui transmettre ces tremblements d'horreur qui étaient en train de secouer tout son être.
Sohan n'était plus rien. Minable. Il l'avait fait. Il avait tiré. Il l'avait tué. Aurait-il mieux fait de courir sur sa mère ? Arrêter l'hémorragie . Que faire, quoi faire . Lui arracher des dernières paroles . Crier sa colère, sa rage, son incompréhension . Aucune idée. qu'avait-il mal fait ?!
La pulsion. Il s'était juste jeté sur lui. L'arme avait glissé. Il se débattait mais il le tenait. Il serrait son cou entre ses doigts, il les sentait craquer, mais il continuait à s'acharner. Pour calmer son mal-être intérieur. Il n'avait pas lâché jusqu'à ce que les mouvements deviennent plus lents, plus mous. Il restait là, les doigts contre son cou, le visage grimaçant. Il se réveillerait jamais.
Puis la réalité l'avait rattrapé. Il avait mis des heures à reprendre ses esprits. Il avait tout fait de travers. Tout foutu en l'air. Et ce regard si triste qu'elle lui adressait, ce regard déjà vite, ça l'avait encore plus démoli. Mais elle était déjà partie. Elle était déjà morte. Il l'avait laissé. Le sang s'étendait sur ses vêtements, sur les siens, sur le sol. Ses pas faisaient des traces sinistres dans la pièce.
Et... surtout, il y avait ces grattements incessants à la porte qui lui murmuraient que rien n'était fini.
Des heures plus tard, il avait gratté des allumettes après avoir rempli un sac. Il fallait qu'il parte. Lorsqu'il jeta l'allumette, la première étincelle de flamme sur ces sillons d'alcool fit briller le visage de sa mère. Elle s'enflammait. Tout allait brûler. Elle. L'appartement. Les étages. Ces choses-là. Pris au piège. Pour elle, pour ne pas là laisser pourrir ici. Elle aurait mérité mieux. Une tombe, des prières, tout ce que père avait eu.
Quelques secondes après il descendait deux étages en passant par le balcon des voisins.

20 novembre. Les gens ont encore un peu la foi. Ils me font marrer. Moi j’ai arrêté de croire aux gens. Je crois que ça ne me fait pas trop de gros changement.
Un pas vers le froid et les rencontres délicates.
Convoitise de merde. Il n’aurait jamais dû mettre les pieds là-dedans sans vérifier. Un fusil était pointé vers son visage. Elle avait la posture assurée et déterminée de ces enfoirés de flics. Ils n'étaient pas tous morts. Le poids de l’arme n’avait aucun secret entre ses doigts et elle en connaissait tous les rouages. Elle ne cillait pas, et c’est ce qui le terrifiait le plus. Un mouvement et c’était la mort. Il n’avait aucune excuse. Il avait été pris la main dans le sac. et merde.
Elle restait figée, imperturbable. Elle avait l’élément néfaste au bout de son viseur. Moi. Il s’imaginait mort, étendu là, un trou sanguinolent entre les deux yeux.
Alors bordel, pourquoi ses doigts le démangeaient-ils, pourquoi avait-il envie de rire ? Son corps entier avait envie de trembler à cette vue si grotesque. Est-ce qu’il était vraiment devenu fou à marcher seul dans cette ville morte ? Est-ce que la mort de sa mère qui continuait de le ronger ? Le frère qui n’était jamais venu ? Rafael se retenait, mais l’hilarité était tellement intense qu’il se sentait trembler.
Si elle était vraiment flic, cette harpie protégeait très bien son petit cocon. Chacun pour soi, c’était devenu un slogan universel. Femme forte, femme fatale, c'était elle qui portait la culotte à la maison.  

Mais si elle était là, en vie, c’était surtout parce qu’elle avait dû déserter.
« Papa est chasseur ? » Était, sans doute.
« Ta gueule ou je te descends. »
Le problème lorsqu’on vous tenait en joug, c’est qu’on n’avait rien d’autre à faire que d’essayer de parler, de raisonner l’autre. Difficile lorsqu’on venait d’assommer en traitre le présumé mari de la brune qui tenait le canon. Il était le danger. Pourtant, elle attendait et c’était sa chance.
« J’ai pas frappé si fort. J’te jure. » Il savait toujours pas employer les mots juste. Il était mauvais à ce jeu là. Le jeu du mensonge.
Les mots avaient piqué, elle s’était rapprochée si vite qu’il avait cru entendre le coup partir. Il sentait  son souffle, mais elle était à un mètre.
« Espèce d’enfoiré. »
« Il gémit... Il se réveille tu vois bien... »
Elle avait eu un moment d'inattention. Un moment où elle avait regardé l'homme au sol. L'homme qui n'avait pas bougé. Un moment où il avait attrapé la chaise pour la balancer sur elle. Légère. Il l'avait touché, il l'avait désarmé, décontenancé, et il avait eu le temps de reprendre l'avantage. Mais avec son pied, elle avait frappé dans son tibia, il l'avait cogné, elle lui avait retourné le poing et il avait lâché l'arme. En tombant, l'arme tira son coup. Perte de vitesse. Elle avait l'avantage d'être entrainé. Mais une chaise dans la gueule l'avait un peu sonné et il était plus réactif.
Puis il était venu. Pas l'homme au sol, non. Lui n'avait pas bougé d'un millimètre. Il était peut-être vraiment en train de crever. Là, ce qui arrivait derrière eux, c'était un mort. De près, de trop près. Il avait passé la porte. Peut-être avait-il entendu le bruit. D'un coup, il avait pris sa chance, s'était débattue une fois encore pour dégager sa jambe et taper dans l'estomac de la jeune femme. Surprise, elle avait reculé en crachant du sang le souffle court. Puis il avait vu la mâchoire sanglante se refermer sur son avant-bras.
Elle était vraiment en train de se faire bouffer. Ce hurlement, ce désespoir et cette rage de se défaire de l'emprise du monstre, il le grava dans sa mémoire. Les yeux écarquillés, il s'était trainé en arrière, avait reculé. Un autre allait rentrer. Il devait partir. Le goût métallique de sang et cette fatigue extrême l'empêchaient d'être aussi réactif qu'il l'aurait voulu. Elle, elle criait. À reculons, il lui était impossible de détacher son regard de la brune. C'est trop tard, c'est fini. Tu peux pas repousser le mort. Crève en paix hein ? Et l'autre, avec ce morceau de chair dans la bouche répugnant dans la bouche. Il devait se casser. C'était trop chaud.

Mi-décembre 2015
J’ai décidé que je voulais écrire pour me rappeler. Màmà. Le frère. Elle m’a inspiré, cette gamine de 14 ans avec son journal intime planqué au fond de son tiroir. Je ne sais pas pourquoi j’écris. Pour peu que ça me serve… Ça ne laissera qu’une trace vulgaire de moi… Personne ne lire ce passage dans le journal intime d’une gamine. Je veux laisser une trace, de ce que je suis devenu, de ce que je suis, ce monstre parmi les morts. Monde de merde. J'ai pas les idées claires.
Il est resté dans cette maison avec trois couvertures pour le chauffer. Il n'y a plus beaucoup de logements qui ont encore des cheminées fonctionnelles. Foutue électricité. La crève, il l'avait attrapé. Il était tombé malade en période de Noël. Il était seul et n'avait croisé que des morts. À piétiner la neige, il allait tomber là et mourir geler. Mais la pharmacie, il devait l'atteindre. Il avait choper l'info sur un plan dans la boîte à gants d'une caisse écrasée. Un gars avait dû se suicider là. Mais il n'était plus là. C'est qu'il faisait partie de ces choses.
Le chemin était interminable. La fièvre le ralentissait. Il crevait de froid. Chaque pas était un supplice et il manquait chaque fois de tomber. Des baskets dans la neige, c'était une galère sans nom... Puis il avait fini par l'atteindre sans emmerde. Dedans personne, pas de trace d'un rôdeur. Les étagères étaient pas bien remplis. Tout était ouvert, la porte d'entrée était surtout fracassée. Il allait rien trouver, ça sentait la mort, son propre trépas. Les doigts tremblant, il avait chercher les étiquettes. De l'aspirine pour faire tomber la fièvre, des vitamines, des anti-inflammatoires. C'était des conneries toutes ces étiquettes, il reconnaissait rien. Ce qu'à l'arrière, on trouvait peut être plus de trucs. Il trouva de quoi tenter de calmer cette fièvre au fond d'un tiroir. Il agonisa longtemps. Joyeux Noël. Et personne pour lui tenir compagnie.

Janvier 2016
Toujours plus au sud de Seattle. Devait-il monter plutôt au nord ? Se rapprocher des montagnes et de ses monts croulants de neige ? Jamais. S'il le pouvait, il descendrait jusqu'au Mexique. Là, la chair pourrirait plus vite mais au moins il ne subirait pas le froid. Il était de l'Été. Janvier était glacé. Janvier était du givre. Une suite logique aux intempéries de Noël. Mais ça non, il n'avait pas clamser comme un chien. Il était encore debout. Emmitoufler dans ses écharpes et son manteau d'hiver, à espérer qu'une main l'agripperait pas dans la neige.
Sa montre avait arrêté de fonctionner. C'était le jour ou la nuit. Point.
Il faisait pas beaucoup de route. Il faisait beaucoup de chose à pied. Il était dans les rues, à sortir le moins possible, à éviter ces choses. Il avait mis longtemps à comprendre que ces putains de malade ne mourraient que lorsqu'on enfonçait profondément la lame dans leurs cervelles. Mais le mieux, c'était de fuir. Tout seul contre tous. Il emmerdait le monde.
Puis il a fini par trouver des vivants coincé dans un appartement. Des barbelés tout le long de l'escalier avaient éveillé son intérêt. Il voulait leur parler. Plutôt que de parler à ses fantômes.
Il a croisé quelques survivants. Rien de bien méchant. Des naïfs qui ont bien voulu de lui et de son sourire charmant. Il était un peu rester, pas longtemps, le temps de voir ce qu'ils avaient. Trop faible. Il leur donnait quelques mois. Ah... C'était lui qui disait ça alors qu'il avait failli crever avec une fièvre. Mais eux là, ils avaient trop bonnes consciences pour qu'il puisse rester avec eux. Alors il leur avait pris ce dont il avait besoin, quelques conserves, des armes quand ils en avaient. Mais en général, à part des couteaux de cuisine ou une bêche de jardin, ils avaient pas grand chose d'intéressant. Des pauvres.

Février 2016
Il tenait pas longtemps avec des gens. Qu'est-ce qu'ils étaient minables eux aussi, à croire tout ce qui ne daignait pas les menacer. Il n'était pas homme de parole, mais il pouvait faire genre. Mais des fois, il les aimait bien un peu ces gens, cette petite famille par exemple. La grand-mère avait ce coté attachant, cette gentillesse et cette sensibilité qu'on ne trouvait plus beaucoup. Quand l'humanité est morte, on peut creuser pour trouver un peu de bonté. Rafael s'était un peu laissé aller. Il s'était lié un peu à eux sans trop s'attacher. Une grand-mère, deux morpions d'une dizaine d'année avec leur mère... Vous croyez vraiment que ça peut survivre à l'apocalypse ? Que ça tient la distance ?
Mais quand on a rien ni personne, on prends ce qu'on a. Février n'était pas mieux. La neige continuait d'étendre son drap blanc. Elle dissimulait la misère.

Mars 2016
Fini. Il était juste partie. La grand-mère avait bouffé une des petites filles. Son cœur avait dû lâcher ou quelque chose dans ce goût là. Toute tremblante, la mère et l'autre petite avaient été trop choqué pour faire quoique ce soit. Il n'y avait eu que lui pour achever la mamie. Ceux qui restaient allaient bien finir par crever. Et il ne voulait pas de cette charge. Protéger quelqu'un d'autre, devoir lui rendre des comptes ou des services. Il risquerait sa vie pour personne. Même s'il l'avait bien fait, achever la grand-mère, pour préserver ces deux futurs cadavres hm ? Puis il les avait lâché. Sans un mot. Livré à elles-mêmes. Qu'est-ce qu'il y pouvait ? Leurs comptes à rebours étaient lancées. Elles étaient déjà mortes. Elles auraient plus besoin de matos. C'était dommage, parce qu'il les aimait bien.

Avril 2016
Les alentours de Seattle c'était pire. Difficile de traverser la rue. Difficile de ne pas se faire voir. Il n'avait aucune idée d'où aller. Les cartes c'était du charabia. Les magasins avaient été pillé pour la plupart, les maisons étaient des ruines et des vestiges. Et quand la pierre tenait encore debout, il pouvait trouver de quoi vivre deux ou trois jours. Les vivres c'était trop encombrant. Il lui fallait un endroit où se poser durablement. Il devait arrêter de marcher un temps. Il était un itinérant, un marcheur parmi les morts, sans boussole et sans refuge.
Sa mère aussi, et même Juan. Enfin, vous voyez... Les ombres de sa vie. C'était les seuls à bien vouloir lui adresser la parole. Les gens vivants, il en croisait plus. Avait-il à ce point la poisse ou bien le sort avait décidé qu'il resterait seul ? Et Hernando, même s'il ne l'avait pas vu mort, il venait jamais lui dérouiller l'esprit avec ses commentaires de frère de conseil. Avec lui, il avait juste sa mère et Juan. Ils étaient sympas. Mais il pétait un câble avec leurs conseils de merde. Il s'en foutait des avis de ces ombres-là. Elles lui tenaient juste compagnie. Parce qu'il était un marcheur seul.
Puis il a fini par trouver cette maison au nord de North Bacon Hill. Caché près de cette fenêtre, à regarder les morts passer, à espérer voir une petite famille pour mieux aller les dépouiller. Pas un vivant. Pas de campement. Juste des morts. Ça causait pas beaucoup un mort.
Il fouillait les immeubles, des carcasses de voiture vide, une caravane renversée dans le ravin. Du matos de camping lui avait rendu la vie moins compliqué.

Mai 2016
Les abords du centre-ville regorgeaient de ressources. Il avait bougé plus au nord et s'était retrouvé piégé comme un con dans le sud de Downtown. Un bordel. Une horde comme il en avait jamais vu. Il s'était vu mort.
Il en avait effilé son couteau, il en avait tordu ses doigts, à retirer la plaque d'égout pour se glisser sur l'échelle. Il l'avait descendu et avait manqué de se tordre la cheville sur la dernière barre. Juron. Un mort avait manqué de lui tomber dessus, puis il avait couru. L'adrénaline lui avait sauvé la mise. Fuir alors qu'il se sentait poursuivre. Fuir alors qu'on vient d'ouvrir les égouts à la mort. Fuir au nord ou au sud, peu importait où. Juste se casser de se merdier à ne plus sentir ses jambes et le poids du sac sur son dos. Son véhicule, il pouvait déjà l'oublier. Il mettrait plus un pied dans le centre.

Juin 2016
Il a récemment élu domicile à Leschi au bord de l'eau sur Lake Washington Boulevard.


time to meet the devil

• pseudo › megumi
• âge › 26

• comment as-tu découvert le forum ? › J'suis accro.
• Ton ancien personnage ?  › Wilfried etc
• et tu le trouves comment ? › Une bombe.
• présence › Minimal, maximal. Ça va, ça vient.

• code du règlement › écrire ici
• crédit › de la bannière et du gif, écrire ici
passeport :

fiche (c) elephant song.
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Re: Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez]

Jeu 19 Mai 2016 - 21:57

Bienvenue petit Monsieur Álvarez Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez] 1442386177
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Re: Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez]

Jeu 19 Mai 2016 - 22:07

Roooh... ** vous n'êtes trop beau tous les deux
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Re: Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez]

Jeu 19 Mai 2016 - 22:37

Ahah re-bievenue²
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Re: Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez]

Jeu 19 Mai 2016 - 23:21

Bonsoir Rafael :138:
Il était temps hein !
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Re: Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez]

Jeu 19 Mai 2016 - 23:38

Je veux pas dire, mais je préfère se faire la, il est plus BG xD
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Re: Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez]

Ven 20 Mai 2016 - 7:50

Hernando : Merci le frère èé J'ai pollué ta fiche aussi Very Happy Mais moi je t'offre un sacrifice, toi tu m'offres que dalle.
Eva : 'sont magnifiques hein ? Les gènes Very Happy
Selene : Merci **
Zack : Fallait qu'ils arrivent en force à deux, c'pour une belle entrée. **
Dwight : Merci Thor ** Tu devrais aller le dire à Hernando que le PETIT frère est encore mieux :103: Pouhahaha.
Merci à vous tous <3
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Re: Nuevo rey, nueva ley [Rafael Álvarez]

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