Professional meeting

Son regard topaze avait eu du mal à faire le point sur le jour qui se dressait par delà l'un des vitrages du dortoir, c'était toujours plus difficile ce jour là, ou à l'approche de ce fameux jour. Il lui suffisait de voir les bourgeons qui dardaient sur les branches d'arbres, les quelques pâquerettes pointaient le bout de leurs pétales dans les herbes folles dont plus aucun homme ne prenait soin, pour repenser à cette discussion, ou plutôt ce monologue qui avait mis fin à des années premièrement divines puis sur la tangente. C'était là, au milieu du printemps, quand le temps était encore frais mais plus clément, que Clara l'avait lâché après des mois à souffrir d'une perte qu'il n'imaginait pas, pas une seconde, les séparer. C'était là qu'il avait su qu'il ne retrouverait jamais ce qu'il venait de perdre et qu'il obtiendrait encore moins ce rôle particulier que le destin n'avait pas voulu lui faire jouer. Au casting de la vie, Reeves s'était fait recaler après des mois à s'accrocher à ce qu'il avait de mieux, ce qu'il avait batti de plus précieux et qui, comme le monde à l'heure actuelle, s'était effrité pour mieux voler en éclats.

Debout suffisamment tôt pour n'avoir à croisé personne qui se ferait envoyer chier copieusement, le trentenaire s'était rapidement rafraîchi avant d'enfiler jeans, boots et un pull dont le grenat avait viré au bordeaux par la force des choses. Un main dans ses mèches brunes suffit à en maîtriser la fougue, puis il abandonna l'espace étriqué pour aller jeter un œil au chantier en cours. C'était une bonne chose ça, ça permettait d'évoluer là où d'autres stagnaient, ça permettrait tout autant d'éviter de se marcher dessus, ou de devoir se faire de remake de Tetris, quand d'autres débarqueraient pour trouver asile dans ce vieux musée. Le givre recouvrait légèrement l'herbe, l'écorce du chêne au centre de la cour, les par-brises des bagnoles qui ne seraient bientôt plus que des vestiges de la Dolce Vita quand il n'y aurait plus un pet d'essence. Enfin, d'ici là peut-être qu'un ingénieur aurait posé son auguste cul dans le domaine et aurait su palier à ce manque en inventant un carburant à base d'orties et de ce tas de parasites végétal qui, pour l'instant, servait de composte pour les cultures tout en embaumant les environs.

Dans le vague encore, Cameron rejoignit la baraque du proprio des lieux. Deaglan était un type bien, le genre de mec qui tendait la main puis la joue pour se manger une bonne droite en remerciement. Trop bon trop con à son regard. Après tout fallait vraiment être naïf pour faire profiter d'un endroit, qu'on avait investi seul pour protéger sa gamine et sa propre couenne, à un panel d'autres qui visiblement, et d'après les on dits qui courraient, s'entendait pas vraiment comme larrons en foire. Bref, il retroussa ses manches en passant le seuil, se rendant dans la salle que prêtait le quadra pour le conseils et autres assemblées pour y croiser l'adolescente qui déposait deux tasses de café chaud. Son regard la dépeignit, accrocha même le sourire qu'il ne lui rendit qu'à semi, puis elle disparut pour le laisser seul face au carnet qu'il avait emporté depuis le dortoir de pensionnat de jeunes filles.

Il manquait des choses, du matériel, de quoi soutenir le toit à venir, de quoi le recouvrir tout autant. S'ils n'en étaient encore qu'à la charpente, ils bossaient tous assez vite pour qu'il y pense à l'avance. C'était certainement pas en attendant l'instant T qu'il serait efficace, et c'était pas son genre malgré le fait qu'il ne mettait pas la main à la patte pour donner vie à ce qu'il avait su faire jaillir sur une feuille de papier avec les mesures précises et le reste. Debout, les mains posées sur la table, le livret ouvert face à lui, Cameron agrippa la tasse de nectar brun, franchement dégueulasse comparé à celui que faisait sa mère, pour en avaler une gorgée avant d'entendre des pas dans le corridor puis de capturer la silhouette gracile de la Grec. Il en esquissa un sourire plus serein. Lui qui pensait déjà se flanquer d'une Good aux humeurs de merde, ou à une Selene difficile à décrypter, peut-être encore à devoir composer avec Deaglan ou encore le Géant vert, était satisfait de se retrouver face à la seule cheftaine supportable du trio féminin du conseil. Désolée pour le retard. Il haussa à peine un sourcil en jetant un œil à sa montre et tira une légère moue avant de s'intéresser à ce qu'elle avait amené et dépliait déjà à peine eut-elle abandonné son gilet.

- L'temps presse plus vraiment. Enfin si en un sens, le temps pressait pour lui, attitré au dortoir comme bon nombre d'entre eux, qui détestait la compagnie de ses congénères et supportait très mal l'effet de foule. Ça avance oui, surprenant quand on pense ce que certains foutaient de leurs dix doigts autrefois. Bon, il l'appréciait cette fille, elle l'emmerdait pas et leurs échanges concernaient essentiellement l'architecture, néanmoins Cameron restait celui qu'il était, un petit sarcasme par ci par là ne dénaturerait pas le personnage détestable. J'ai griffonné ça hier, on aura besoin de poutres, de tuiles et spécialement du vernissé parce que ça tient bien mieux dans l'temps, et qu'on pourra pas m'faire chier pour la décennale. Pas de garantie comme à l'époque, c'étai fini ce temps là. Se décalant vers elle, Cameron déposa le carnet devant les yeux bruns de son interlocutrice, penché par dessus son épaule, le doigt pointant les différents points de la liste. Des idées pour dénicher ça ? Lieux, temps ? Le carburant nécessaire ?

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