Jamais de sa vie n'avait-elle cru pouvoir penser une telle chose, mais l'extérieur lui manquait. La maison lui manquait, oui. Elle le réalisait, maintenant. Qu'elle s'ennuyait de cette petite vie qu'ils avaient réussi à bâtir, juste eux. Elle était loin d'être parfaite, cette vie, mais c'était la leur, jusqu'à tout récemment. La princesse avait eu amplement le temps de réfléchir, d'ailleurs, depuis sa blessure. Depuis qu'ils ne foutaient strictement rien d'utile ici, à part profiter de l'électricité et de toutes les douceurs qui faisaient partie de ce monde. C'était dangereux. Rien n'était acquis, et pourtant les gens ici semblaient croire que tout ça pouvait durer toujours. Mais rien n'était éternel, non? Pas même l'humanité en tant que tel. Même la planète et ses habitants avaient visiblement une date d'expiration, la preuve la plus tangible était définitivement ce merdier sans nom qui pourrissait leurs jours au même titre que les chairs décomposées des infectés qui erraient dans les rues. Dans tous les cas, May était à des années lumière de la fille qu'elle était avant. Enfin, sans doute pas tant que ça. Peut-être était-elle seulement davantage elle-même, au final; leur réalité avait cette fâcheuse habitude de leur faire découvrir ce dont ils étaient capables ou pas.

Ce matin là, elle était éveillée avant même que le soleil ne se lève. On aurait dit que certaines nuits, le sommeil ne venait pas. Comme si elle était craintive qu'il se produise quelque chose à nouveau, même sur l'île. Et cet espèce de situation d'entre-deux la rendait passablement folle. Elle avait donc posé les lèvres à la mâchoire de Nathan, quittant doucement le lit avant de s'habiller de sa paire de jeans noir favorite et du top le plus chaud qu'elle avait pu trouver en arrivant ici. Ses jambes démangeaient de faire quelque chose, n'importe quoi, c'était déjà mieux que de fixer le plafond ou de s'inquiéter pour le brun, qui n'était plus le même depuis cette fatidique journée.

Bref, ils habitaient tous la même baraque, dorénavant. C'était déjà mieux que le dispensaire. Et la petite pouvait fouiner et surveiller les siens à son aise, en bonus. Parce qu'ils en avaient besoin. Jamais elle n'avait vu leur clan dans un tel état, et son instinct était toujours de veiller sur eux, indirectement. Secrètement, même. Ce n'était que pour assurer un minimum d'ordre ici bas - bien entendu. Bainbridge allait les foutre à la porte prématurément, autrement, et ils avaient encore besoin d'aide médicale pour certains. Bref, Liv errait à la recherche d'un quelconque divertissement musical ou littéraire quand elle entendit une porte se refermer pas trop loin. Curieuse, Cendrillon se dirigea vers le bruit pour se rendre compte que la porte était celle de la chambre de Starbuck. Le temps qu'elle s'y rende et qu'elle l'ouvre de nouveau, elle ne trouva pas le pilote à l'intérieur.

Il était parti où comme ça, sans rien dire à personne, ce con? Quelques pas vers l'avant et les clés de la Subaru attiraient son attention sur le petit bureau. Placée là, en évidence, presque comme s'il les avait oublié avant de se barrer? C'était quoi ce bordel? Il avait quand même pas l'intention d'aller chercher la bagnole?! May ferma les yeux en secouant la tête; évidemment que c'était son intention, merde. Ses doigts s'emparèrent du trousseau avant de se retourner pour le voir revenir.

La miss agitait les clés sous son nez, moqueuse, ignorant ses conneries immondes en un regard qui lui disait clairement de la fermer. "T'aurais pas plutôt oublié d'me parler d'un certain projet?"  demanda-t-elle en premier lieu, ne lui laissant pas le temps de répondre avant de continuer. "T'as vraiment l'autorisation d'y aller? Je sais, je sais, t'as rien à foutre de c'qu'ils disent mais tais-toi. Tu croyais que j'te laisserais partir tout seul? Wally a peut-être besoin d'toi mais toi t'as besoin d'moi." Regard entendu. Évidemment qu'elle était sarcastique. Ou pas.

Mais la petite tornade se foutait éperdument de ce qu'il allait bien pouvoir répliquer. Clés toujours en main, May était déjà en train de chercher son sac à dos version améliorée, celui qui contenait dorénavant absolument tout ce qu'elle possédait ou presque, avant relever les cils vers Lance qui l'avait suivi. Une idée traversa son crâne alors que ses yeux bleus s'illuminèrent, la bouche grand ouverte. "Tu crois que j'pourrai conduire le bateau?!?"  Pas de panique, la blonde n'était qu'à moitié sérieuse, sans quoi le cowboy allait se taper une crise cardiaque, putain.