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Nameless II

Dim 8 Avr 2018 - 19:22


NAMELESS XX
En quête d'un nom... Deuxième partie.


4401 E Marginal Way S, Seattle, WA 98134 NO MAN'S LAND
Tard le soir, le Soleil est déjà bien couché.
Une silhouette s'avance seule près de l'entrepôt, elle semble sur ses gardes, se retourne constamment pour surveiller ses arrières, trottine sans bruits puis tente de trouver une ouverture. Toutes les trente secondes, elle vérifie si elle n'est pas suivie.

Voilà plus de quatre mois que Marvin Feathers erre comme un fantôme dans l'Industrial District. Son organisation est infaillible, toutes ses actions sont calculées à l'avance, le moindre geste, le moindre coup, tout. Tellement efficace que l'homme en a perdu la tête. En proie à la paranoïa et les meurtres constants pour survivre. Combien de fois a t'il envisagé de mettre fin à ses jours ? Peut être autant de fois que le nombre de ses victimes. Comme tout le monde, il a vite commencé à se salir les mains, comme tout le monde, en trois ans de chaos total, il est devenu une sorte de vétéran de la survie, mais à quel prix. Son état est aussi pitoyable que les morts, une longue barbe a poussée, empestant la sueur. Sa peau infecte, est recouverte de sang, elle a noircie. Ses yeux sont globuleux et saillants, peut être le manque de sommeil. Son épais manteau gris marron a du, sans doute, le protéger du froid plus d'une fois. Et avec les conditions de vie actuelles, Marvin pourrait bien faire dix ans de plus et passer pour un vieil homme tout à fait vulnérable...


On ne sait jamais ce qui peut se cacher à l'intérieur de ce type de bâtiment. J'espère trouver de quoi manger, espérons cette fois que je ne tomberai pas sur des cadavres. Je dois être discret et ne pas attirer l'attention des marcheurs à proximité. J'en vois quelques uns derrière moi, mais ils sont assez calmes cette fois. Tant qu'ils restent tranquilles, je peux continuer. La vache, cette baraque est énorme ! Mais d'ici, je ne trouve pas de portes ouvertes. Je vais faire le tour, sinon j'essayerai de passer par le haut. Je ne suis pas un cambrioleur, je peux me le répéter. Mais le pire est que j'ai autant d'expérience qu'un cambrioleur à l'heure actuelle. Oui, peut être que j'en suis un dans le fond, mais je ne pense pas que les propriétaires refuseraient que je m'abrite ici désormais. Merde, j'avais oublié. Cet endroit a peut être une alarme ou quelque chose du genre, si c'est le cas ça risque de compliquer l'affaire. Tant pis, il faut tenter le coup, ça commence à se rafraîchir ici, je n'ai pas envie de geler comme la dernière fois. Et Lucy non plus, elle déteste dormir dehors.

Mh... Je me disais bien, de l'autre côté il y a deux grandes portes. Ce type de portes qui laissent passer les gros camions généralement. Et devinez quoi ? Une d'entre elle est ouverte, bingo. Je devrai rester sur mes gardes, je sens de l'activité dans l'air. Encore quelques uns de ces pillards sans doute. Je n'ai qu'une lance sur moi, encore une fois restons discret. Une fois à l'abri du vent et du souffle glacial de la nuit, je referme manuellement le hangar avec beaucoup de délicatesse. Cette porte fait un fracas épouvantable, pour la discrétion c'est raté. Une fois refermée, je sonde du regard les lieux. C'est très spacieux. Mais on dirait que je ne suis pas le premier, il y a des restes de matelas. Quelques trucs aménagés à droite à gauche. Peut être un campement. Je dégaine ma lance, je ne me ferai pas avoir une seconde fois. Je commence mon intrusion en profondeurs, je passe furtivement d'un point à un autre. Je suis mauvais au tir, mais bon au corps à corps, si j'arrive à intercepter quelconques gardiens, je peux les neutraliser par derrière. Ces connards doivent défendre l'endroit comme une meute de chiens enragés, et tenir un œil sur leurs réserves de vivres.

J'en profite pour fouiller dans un des sacs. Une gourde. Je la secoue. Elle est presque vide, juste une goutte pour se rafraîchir la langue. Une arme. C'est un beretta. Pas de munitions, je le repose. Je n'en ai pas besoin. Je rejette un œil à l'intégralité de la salle. On dirait une sorte de dortoirs, il y a des matelas vraiment partout et assez espacés, et généralement aux angles et aux extrémités, près des murs. Le milieu de la pièce est complètement vide, ce qui augmente cette sensation d'espace. En même temps c'est un entrepôt. Je me retourne.

Cette femme, elle est devant moi. Immobile. Je la regarde droit dans les yeux. Elle jette un œil au sac que je fouille. Mince, c'est le sien. Je le pose brutalement et je dégaine ma lance. Je fronce les sourcils, je lui jette un regard noir. Je vais la tuer, elle est peut être dangereuse. Mais elle reste immobile. Je respire nerveusement, dans une position de combat. Mais quelque chose en elle semble me rassurer, comme une aura de bienveillance. Cela ne reste qu'une sensation, mais assez pour baisser mon arme. Et me redresser. Je suis sale, je pue. J'ai des tâches de sang sur mes habits. Je ne suis pas dans un état pour me présenter à une dame. De longues secondes passent, je dresse son portrait physique de la tête aux pieds. Je la dévisage légèrement, une blonde aux yeux bleus, je dirai quarante-huit ans, plutôt costaud et baraquée, sans doute après ses années à lutter contre la mort. Elle doit être aussi maligne que moi, en tout cas, elle est seule et je suis seule. Elle est désarmée, je devrai jeter mon arme à terre. Mais je ne la jette pas, je me suis déjà fait avoir trop de fois comme ça. Si je commence à me tisser des liens avec elle, on partagera les mêmes vivres et ça pourra vite devenir pesant. Non je préfère rester seul.

Mes lèvres murmurent quelque chose que je ne connais pas. Je ne sais plus les formules de politesse. Bon sang, qu'est ce qu'on dit déjà à une personne qu'on ne connait pas. J'essaye de me rappeler nerveusement. Je bégaye. « B...Bonjour. »
J'essaye de me souvenir encore. Je crois qu'on se présente généralement à un inconnu. Je ne connais pas mon prénom. Je ne m'en rappelle plus. Ca doit commencer par M. Quelque chose comme Martin. Non ça ne peut pas être ça. « Je... m'appelle Marvin. » Voilà, j'ai réussi. Mais je devrais continuer encore, quelque chose qui est nécessaire généralement. Je me secoue la tête, façon de parler. Je suis toujours aussi statique devant cette femme. « Il n'y a personne avec vous ? » Avec un léger air de parano bien évidemment. Je devrai essayer de la rassurer, de lui prouver que je suis une bonne personne dans le fond. Mais j'ai la tête d'un sauvage, j'ai tué tellement de fois, je suis une bête.

Marvin restait une statue devant April. Il contemplait de nouveau un être humain en chair et en os. Une femme surtout. Comment avait t'il maîtrisé ses pulsions animales à cet instant là ? Peut être qu'une part d'humanité enfouie au fond de lui l'en empêchait. Il était soulagé de retrouver un peu de compagnie dans le fond mais il n'avait pas confiance, et se tenait prêt à bondir au moindre geste rapide ou à la parole louche. On aurait dit un fou, un interné. Mais surtout un clochard. A comparer avec la voyageuse, il n'avait pas de tenue. Il avait négligé depuis plusieurs mois son apparence. Son odeur était la première chose que l'on remarquait et elle avait empesté le hangar à son arrivée dans les lieux. Un mélange de  putréfaction et de sueur, de sang et de mort. Il était difficile de ne pas se boucher le nez, mais à cet instant, cela aurait été un manque de respect. Sa barbe lui donnait un certain âge, sans la sagesse bien sûr. Ses yeux faisaient peur, on aurait eu envie de détourner le regard. Ils étaient exorbités, globuleux, rouges et épiaient le moindre de vos gestes. La respiration de l'homme était bruyante et régulière, assez pour prouver une certaine nervosité et méfiance en lui. Sa voix était rauque et assez virile mais peu rassurante. Pourtant elle était sincère. L'homme voulait faire preuve de politesse et quelques mots auraient pu suffire à relâcher un peu de tension et commencer une conversation, avec quelques mètres de distance en plus...







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Re: Nameless II

Lun 9 Avr 2018 - 13:26

Ce serait mentir de dire que ça ne la travaillait pas. Les derniers mots de Kerwan, le timbre hésitant de sa voix. Peut-être avait-il eu raison, peut-être s’évertuait-elle à chercher quelque chose qu’elle avait déjà. La rédemption, l’occasion d’une nouvelle vie. Néanmoins, elle ne pouvait pas rentrer maintenant. Ça reviendrait soit à admettre qu’elle avait tort, soit à laisser sa quête inachevée, soit les deux. Impensable. Au fond, même si elle se disait avoir admis qu’elle ne retrouverait jamais Rowen et Rosaleen, April était sur les traces d’un couple de fantômes. Des spectres disparus il y a déjà plusieurs mois. S’ils étaient encore en vie, la rouquine devait avoir accouché maintenant… ça lui pinça douloureusement le cœur d’y penser. Le seul petit-être qu’elle aurait pu être assimiler à un petit-enfant, elle ne le connaîtrait jamais. Une chance, peut-être. Elle n’aurait pas non plus à le voir mourir, ni à supporter l’idée de sa mère morte en couche.

April s’était simplement éloignée pour essayer de discuter avec Mandy. La jeune femme lui avait parlé de cet endroit, alors qu’elle avait élu domicile dans un pavillon miteux ; moins endommagé que ses voisins. Néanmoins, peut-être parce que le retour des belles saisons avait redonné de l’espoir aux locataires, le No man’s land était quasiment vide à son arrivée. Certains s’étaient juste cachés, à l’écart, pour partager une cigarette, d’autres s’étaient enroulés dans leurs couvertures, dans des recoins si sombres qu’on les prenait pour des amas de tissus. En revenant bredouilles de sa brève absence – Mandy n’était vraiment pas causante – la quarantenaire se figea en constatant qu’on fouillait dans ses affaires.

Un homme. Mal odorant, sauvage, dans un état déplorable. Ses yeux bleus le détaillaient fixement, lui et sa lance, sans qu’elle ne sache si la bonne réaction était de s’avancer ou de reculer. Il n’y avait rien dans son sac – rien de tellement important – mais en même temps, c’était des riens qui la rattachaient aux siens. Tendue alors, l’ancienne chargée de relation presse se confronta à ce regard fou, à cette respiration bruyante, avec la sale sensation que tout pouvait basculer en un instant. Venir ici n’était peut-être pas une si bonne idée finalement… elle avait trop pris l’habitude des communautés bienveillantes ; le concept d’un squat lui échappait. On ne l’y reprendrait plus.

- Je vais récupérer mes affaires, informa-t-elle brusquement, sans lui rendre la salutation ou le prénom, vous voulez bien baisser votre lance ? On a pas besoin d’en arriver là.

Elle n’espérait sincèrement pas. A la ceinture de son jean usé, il n’y avait que son poignard. Ça risquait de ne pas faire le poids contre une stature pareille avec une telle allonge et quand bien même, April ne voulait pas avoir plus de sang sur les mains. Pas pour un sac-à-dos. Ses précédents meurtres lui pesaient déjà suffisamment sur la conscience. Doucement, elle tenta un pas vers ses effets – et fatalement, vers cet inconnu. Marvin. Quelque part, il lui faisait de la peine. D’aussi loin qu’elle se souvienne, même après avoir croisé quelques locataires du No man’s land, c’était la première fois qu’elle voyait quelqu’un de si atteint. Une personne aliénée par la survie au point d’en perdre son humanité et son sens du contact. C’était l’impression qu’elle avait en tout cas. Le cœur battant, la quadragénaire tenta un pas de plus. Nerveusement, elle écarta ses cheveux blonds pour les repousser derrière ses oreilles, révélant inconsciemment la cicatrice rose sur sa tempe gauche.

- Je ne vais pas vous attaquer, rappela-t-elle car elle le sentait aussi tendu qu’elle, je prends mon sac, et vous… vous pourrez vous installer où vous voulez, c’était la politique de la maison si elle avait bien compris les quelques mots durement soutirés à Mandy, je n’ai rien à manger si c’est ce que vous cherchez.

Et d’ailleurs, son propre estomac se tordait de crampes à ce sujet. Heureusement que les pluies printanières lui sauvaient la mise pour ce qui était de l’eau, parce qu’elle n’avait pas mis la main sur le moindre gâteau sec depuis quatre jours. Tout au mieux, quelques plantes sauvages sur lesquels il ne fallait pas faire la fine bouche. Merci à Noam pour son apprentissage sur le sujet. Non sans retenir sa respiration, April tenta un pas supplémentaire.
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Re: Nameless II

Lun 9 Avr 2018 - 23:02


NAMELESS XX
En quête d'un nom... Deuxième partie.


4401 E Marginal Way S, Seattle, WA 98134 NO MAN'S LAND


Aussitôt la demande faite, l'étranger donne un léger coup de pied sur le sac pour le dégager, celui ci glisse alors sur le sol et se retrouve brusquement entre les jambes d'April.
« Tenez. Je vous prie de m'excuser, cela fait des heures que je n'ai plus rien à manger. ». Une voix froide et sans intonations, mais puissante. Un détail à admettre, pour un sauvage Marvin s'excusait poliment. Certainement que cet homme aurait pu avoir une certaine éducation par le passé mais quelques mots balancés à tout va ne pouvaient pas le prouver. April s'avance lentement tandis que Marvin, presque apeuré recule nerveusement à chacun de ses mouvements.
« vous voulez bien baisser votre lance ? On a pas besoin d’en arriver là. » Toujours rien. Comme si ils ne parlaient pas la même langue, Marvin n'avait pas réagi d'un poil. Sur son visage on lisait une profonde hésitation. Quelques secondes passent. Puis peu à peu, il commence à baisser doucement son arme, continuant de dévisager intensément l'inconnue, peu confiant.


« Je vais récupérer mes affaires. » Sur le coup, je crois que je vais pleurer, elle a parlé. Mais je retiens mes larmes et mes émotions derrière mon masque féroce. Depuis des semaines, je ne communique avec les hommes que par des coups de feu et des coups de poing. Je reprend peu à peu une respiration normale, je détend peu à peu mes muscles. Merde, maintenant c'est elle qui a peur de moi. Je voudrai l'enlacer dans mes bras tellement je suis heureux mais je crois que je vais me retenir et éviter ça pour l'instant. Ce n'est pas ma pote, encore moins un membre de ma famille. J'ai vu trop de choses en deux ans, pour penser que cette inconnue puisse être une bonne personne dans le fond, surtout au premier abord. Personne ne sait de quoi les gens sont réellement capables. En y réfléchissant bien, ça doit être ce genre de  personnes qui survit grâce à des coups de chance. Je parie qu'elle n'a jamais tué, je n'ai rien à craindre d'elle.

« Je ne vais pas vous attaquer. » Cette fois, je peux verser de l'eau froide sur ma paranoïa. Cette femme n'a pas de mauvaises intentions. Peut être. Mais sa voix sonne vraie. De toute façon je n'ai rien et elle n'a rien. Rien à vendre ou à donner, rien à voler ou à envier des deux côtés, nous sommes quittes.

Je répond une seule phrase à son discours, pour me justifier sans doute. Ma voix sonne sincère mais les mots qui en sortent sont amères et difficiles à accepter.  « Je vous aurai déjà planté ce bout de bois si vous aviez des vivres, ou si vous m'aviez menacé. — pointant du manche de ma lance le couteau d'April —  Il n'y a pas de places pour les faibles ici. Pas de place. » Ma voix s'étrangle sous le poids des mots, qui me font soudain rappeler en moi le souvenir de quelques anciennes connaissances.
« Je vais m'installer là-bas, près de la porte. Passez une bonne nuit Madame. »
Toujours aussi froid. Je lui tourne le dos d'un coup sec, alors qu'elle s'approchait délicatement de moi jusqu'à maintenant, et je m'avance vers une extrémité de l'entrepôt ou je pose mon sac. Je me retourne à nouveau, lui jette rapidement un regard et traîne un matelas jusqu'à mon nouveau campement. Puis, sans un mot, je m'allonge, je me recroqueville et je tente de me reposer. Dure journée aujourd'hui.

Merde, j'ai oublié de lui demander son prénom. Tant pis, je lui demanderai demain. Et si demain elle n'est plus là à mon réveil ? Merde ! Marvin tu n'es qu'un con... Réfléchis bordel...

Avec le peu de mots arrachés au survivant, April aurait peut être pu chercher à comprendre. Comprendre que Marvin ne voulait plus s'attacher et souhaitait désormais tenir ses distances avec les hommes. Trop de sang avait déjà coulé autour de lui. Trop de proches lui avaient déjà été arrachés par ce monde  injuste. Cette courte conversation entre les deux semblait d'ailleurs le perturber, cela lui faisait bizarre de reprendre les vieilles coutumes d'une société déchue. Ca lui rappelait ce que c'était d'être humain. Il voulait tout oublier. Sa tâche, que lui même ne comprenait même plus, était de survivre inlassablement. Il l'avait dit à cette femme, il ferait n'importe quoi désormais pour survivre, au prix de n'importe quelle horreur. Il était devenu l'ombre des morts. Ces âmes torturées bien trop fragiles mentalement pour accepter le nouveau monde ou bien trop pessimistes pour espérer le retour à une vie normale. Mais était ce vrai ?

La solitude était pourtant pour Marvin une lourde pierre à porter. Au fond de lui, il aurait souhaité pouvoir se confier à quelqu'un. Avoir une discussion, raconter des banalités, rire, se retrouver autour de la chaleur d'un feu, en famille. Hélas, cela le faisait doucement sourire, ce n'était qu'un rêve...



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Re: Nameless II

Mar 10 Avr 2018 - 0:34

Elle se figea alors que sa voix résonnait à nouveau. Il aurait pu la tuer, pour des vivres. Ça lui glaça la colonne vertébrale, de quoi faire lentement sa main s’approcher de son couteau ; mais finalement, Marvin annonçait qu’il s’en allait. Les yeux azur d’April restèrent sur lui depuis son brusque demi-tour jusqu’à ce qu’il se soit installé. Ce ne fut qu’à cet instant qu’elle remarqua qu’elle était en apnée et pris une profonde inspiration. Elle se baissa alors pour ramasser son sac et fouilla à l’intérieur pour en tirer son Beretta, qui retrouva sa place autour de sa cuisse. Chargé ou pas, il restait un excellent moyen de dissuasion qui lui avait sauvé la mise quelques fois. S’en séparer était une maladresse qu’elle ne referait plus.

De longues minutes étaient passées depuis son échange avec l’inconnu. Peut-être une heure. Ou deux. Elle ne pouvait pas dormir alors que le No man’s land était plongé dans des ténèbres plus épaisses encore. Les différents foyers de flammes, des bidons rouillés habilement remplis de bois secs, crépitaient de moins en moins. Les lueurs orangées projetaient des ombres sur les murs décrépis qui n’avaient plus rien de terrifiant. Non, aujourd’hui : on avait plus peur du noir ; on avait peur des autres. La quadragénaire était sur le qui-vive. Maintenant que d’autres personnes étaient arrivées pour finir la nuit à l’abri, elle tournait la tête au moindre bruit.

Parfois, son regard se reposait sur la silhouette sombre de Marvin. Elle repensait non pas vraiment à ses menaces mais à ce qu’elles dissimulaient. Un homme aliéné et pourtant, capable d’une étonnante politesse. Il lui avait présenté des excuses, l’avaient appelé « madame », … elle poussa un soupir. Quelque part, n’était-ce pas pour les gens comme lui qu’elle avait quitté la maison de retraite ? Des survivants perdus, désorientés, pour lesquels elle pourrait signifier quelque chose. Kerwan la maudirait pour le risque qu’elle prenait, mais elle était le genre de femme qui n’avait jamais reculé devant un défi.

En quelques pas, April s’était approchée du campement improvisé de son aîné, jusqu’à une distance de sécurité d’environ trois-quatre mètres. Son sac sur le dos, son blouson brun délavé fermé jusqu’au plexus. Sa chevelure blonde était complètement détachée désormais et tombait noyer son col de mèches mal entretenues. Elle avait ramassé un bout de quincaillerie métallique qu’elle fit volontairement tomber pour attirer l’attention de l’homme. Elle supposait qu’il était du genre à ne dormir que d’un œil, à être capable d’émerger du sommeil et de bondir aussitôt comme un fauve sur un assaillant.

- Je m’appelle April, dit-il sans lui laisser le temps de prendre sa présence comme une attaque, vous êtes… vous êtes seul depuis longtemps ?

Question qu’elle savait être rhétorique : il suffisait de regarder son état. Sa voix n’était pas vraiment douce – parce qu’elle prenait les enfants en compassion mais se méfiait profondément des adultes – toutefois, elle n’était pas agressive. Elle verrait bien où la mènerait cet échange – si échange il y avait. Elle n’avait pas grand-chose à perdre de toute façon et dès le lendemain, elle quitterait sûrement cet endroit.
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Re: Nameless II

Lun 16 Avr 2018 - 23:39


NAMELESS XX
En quête d'un nom... Deuxième partie.


4401 E Marginal Way S, Seattle, WA 98134 NO MAN'S LAND


Il fait mauvais dans la tête des gens en ces jours sombres. Quand la nuit vient et que le calme revient, leur tête travaille des idées tordues et déplacées, qui ne devraient jamais sortir du fin fond de la cavité du crâne.

On a tous des anges et des démons en nous. La faim par exemple. La faim ça vous travaille l'esprit, ça vous ronge de l'intérieur. Ca vous pousse à faire des choses que vous n'auriez jamais pu imaginé auparavant. Pendant des heures et des jours, si vous êtes assez fort vous tenez bon physiquement. Mais mentalement, la fatigue qui surgit vous brouille complètement la tête. Cette saloperie modifie carrément votre manière de penser à force de sévir. Mon dieu... Faut que je vois un médecin. Merde mais y a pas de médecin ici. Oh peut être Lucy. Si je lui parle un peu, je suis sûr qu'elle est capable de me guérir. Il faut que je vérifie si personne ne me voit par contre. Je tourne le dos et je regarde derrière moi, quelques secondes passent. Tout le monde dort, c'est bon je peux la sortir. Lucy je crois que c'était à la base une poupée pour éviter de ne pas perdre la tête. Au final, je pense que ça a plutôt bien marché, 'fin je sais pas trop. Au fait je sais très bien que Lucy n'existe pas hein. D'ailleurs ces discussions me permettent de ne pas oublier... Par exemple les mois de l'année.  

Je n'arrive pas à dormir. Comme toujours je suppose. Je jette un coup d'oeil discret aux autres occupants du squat, rien ici, là bas non plus, oh là... non ce n'est rien, seulement quelqu'un qui retourne son drap.

Merde, faut vraiment que je trouve un flingue pour en finir. Quel est le sens de ma vie ? Dormir, manger, tuer, dormir, tuer, manger. J'avais horreur de ça au début. Je détournais le visage quand leurs tripes giclaient sur mon visage. Je crois que j'y ai pris goût depuis. Je suis un putain d'assassin qui s'évade constamment de l'enfer. Dieu me pardonne, mais à chaque fois que je souhaite me repentir, ses seuls messages sont des punitions.

Je ne souhaite que la rédemption. Une rédemption. Dieu pardonne mes pêchés, je souhaite tout oublier...

Les heures de la nuit passent lentement, c'est long quand on ne fait rien, encore plus quand on a peur.
Soudain, un bruit. Tout juste à côté de moi. Je sursaute. Je me précipite, tente de ramasser ma lance, mais je n'en ai pas le temps. Une voix.
« Je m'appelle April »
Je suis de dos, elle ne peut pas voir ma réaction. A combien de mètres de moi est t'elle ? Je ne sais pas. Est t'elle armée ? Sans doute. Je reste figé, presque calme, comme à l'attente d'autre chose de sa part.
« Vous êtes... vous êtes seul depuis longtemps ? »
Quelques secondes s'écoulent entre ses paroles et les miennes.

« Mmh... Vous m'avez réveillé... — tu parles, je ne dormais pas d'un œil, je fais mine de m'étirer, mais j'en profite aussi pour me dégourdir, je suis dans la même position depuis deux heures, je change de côté, affichant mon visage à l'inconnue, et je m'assis sur mon matelas, je ''baille''. Mon Dieu, non elle me pose une question trop difficile. Je ne me sens pas capable de me ressurgir des événements de mon histoire, je vais lui donner quelques creuses informations. Elle s'en contentera. — Ca fait quelques temps.  J'ai arrêté de compter. L'Hiver s'est arrêté il y a une bonne dizaine de jours il me semble — c'était beaucoup plus que ça — Donc je crois que maintenant c'est le... Le... Ce qu'il y a après l'Hiver. Le Printemps c'est ça. Donc ça doit faire quelques mois que je suis... que je suis seul ? »

Je semble frustré. Je me rend compte à nouveau de la durée de mon périple solitaire. Je me passe la main sur le visage et je continue, les yeux rivés sur le sol.

« C'est la première fois que je rencontre quelqu'un comme vous depuis des jours voir des mois April. J'ai échappé à de nombreuses bandes organisées récemment. J'avais oublié qu'on ne pouvait pas mettre tout le monde dans le même sac, mais les humains sont dangereux. Je m'en méfie de plus en plus. — Je souris — Mon attitude a dû vous effrayer tout à l'heure... A vrai dire, je dois avouer que je ne me reconnais plus ces derniers temps. Je ne sais même plus qui suis-je réellement. J'ai oublié mon passé. Mais maintenant que vous êtes là, je crois me souvenir de quelque chose. Ca me revient. Oui, je... »

Je m'arrête violemment. Je semble littéralement m'écrouler sur place, je cache mon visage à l'aide de mes mains, puis je bouche mes oreilles. Je les entend. A nouveau. Eux. Leurs cris me hantent. Je les revois. Je les entend comme si ils étaient tout proches de moi. Voix stridentes, atroces. Elles sont bientôt assourdissantes et je ne peux les supporter. Je perçois les hurlements de femmes, les pleurs d'enfants. Des individus, je crois les reconnaître. Non... Ce n'est pas de ma faute, je vous en supplie... Ce n'était pas de ma faute. Je vois des morts, du sang. Le brouhaha est bientôt mêlé à des cris inhumains. Je vois des yeux jaunes, la pupille dilatée, le regard vide me fixer. Des visions brusques et rapides, se succédant tour par tour. J'agonise mentalement. Puis cela s'estompe. Silence. Le calme revient doucement.

Je semble essoufflé, comme au sortir de rêves agités. Je regarde un instant April, tremblant et tétanisé puis je fixe le sol. Des larmes coulent à flot, je ne les essuie pas.
« Ils... Ils sont tous morts. Je n'ai pas pu les sauver. Je n'ai rien fait. Je... »

Jamais une telle peur ne s'était manifestée devant les yeux d'April, pas sous ce silence glaçant, dans ce lieu si glaçant.
Marvin s'était replié sur lui même, et se cacher la tête entre ses genoux. Il tremblait, marmonnait quelques phrases incompréhensibles. Ses mains étaient crispées, il se serait bien arraché les cheveux s'il lui en restait encore. Marvin était redevenu un petit enfant, en proie à ses faiblesses refoulées tant de fois. Puis l'homme avait jeté un bref regard à April, le regard horrifié et n'arrivant à prononcer que cette dernière phrase, d'une voix rouillée.

L'homme avait paru s'ouvrir un instant à la dame, avec quelques difficultés, mais en faisant des efforts. Il en était subitement redevenu froid en se rappelant quelque chose. Son masque était tombé devant April. Il ne jouait plus au guerrier, du moins il n'avait pas réussi à tenir son rôle. Tout ce qu'il disait était sincère. Elle pouvait être sûr de la véracité de ses paroles à présent.



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Re: Nameless II

Mar 17 Avr 2018 - 9:55

- Désolée, répondit-elle machinalement quand il prétendit qu’elle l’avait réveillé.

Elle ne s’approcha pas plus mais constata avec une satisfaction dissimulée derrières ses traits fatigués qu’il était enclin à la discussion. L’homme avait l’air moins perdu, plus ancré dans le présent. Ainsi, il était seul depuis suffisamment longtemps pour en avoir oublié jusqu’au nom des saisons. Ça faisait peine à voir, autant de désarroi, autant de souffrance, même s’il n’en faisait pas de démonstration explicite. Pas encore. Pudiquement, April baissa les yeux, cet impérissable air triste sur le visage. Elle ne fixa Marvin à nouveau que lorsqu’il confia n’avoir pas rencontré quelqu’un comme elle depuis un moment. Difficile de comprendre s’il voulait dire « une survivante qui n’essayait pas de le tuer », « un être vivant » tout simplement ou « une femme ».

- Ça va, mentit-elle en chassant la vérité d’un geste quand il supposa l’avoir effrayée.

Ce n’était ni complètement faux, ni complètement vrai. Toutefois, le reste fut nettement plus déstabilisant : voir cet homme, massif, si menaçant quelques temps auparavant, s’effondrer sur lui-même. Il y avait quelque chose d’extrêmement déchirant dans ses sanglots, une fragilité maladive dans ses tremblements. La raison voulait qu’elle s’enfuit en courant, qu’elle s’éloigne de ce danger potentiel ; mais en même temps… elle avait une impression subtile d’avoir sous les yeux des rémanences de son mari. Pas dans ses traits. Peut-être dans son âge, surtout dans sa détresse. Car en dépit de toute sa bonté, la quadragénaire imaginait aisément son défunt époux finir dans cet état s’il avait tout perdu. La détresse d’un homme adulte était la plus marquante de toute…

- Ok, ok, ça va aller, dit-elle précipitamment en bravant les quelques mètres qui les séparaient encore, Marvin, vous êtes avec moi ?

April se penchait sur lui désormais, posait doucement sa main sur la sienne en espérant que ce contact le rattache au présent. C’était quitte ou double. Il pouvait tout aussi bien rebasculer dans la folie. Face à lui, si près, elle se sentait petite, gracile. Le rescapé n’aurait pas besoin d’énormément d’effort pour lui briser subitement la nuque mais elle n’arrivait plus à détourner les yeux. C’était Rowen qui lui avait insufflé ça… le fait de donner sa chance à la vie, toujours. Bientôt un an que le jeune homme avait disparu, mais il existait toujours à travers elle.

- Je comprends, souffla-t-elle en espérant l’apaiser, moi non plus je n’ai pas pu, dans sa voix contrôlée, une pointe de compassion authentique, on ne peut pas tout le temps, murmura-t-elle en occultant volontairement le fait qu’il disait « n’avoir rien fait », vous êtes en sécurité là, dit-elle plus en espérant le rassurer que parce qu’elle y croyait.

Il avait l’air si… terrifié. L’ancienne communicante comprenait, sincèrement, même plus qu’il ne pouvait l’imaginer à ce moment. Elle était sujette à d’horribles cauchemars, récurrents, depuis les premiers mois de tout ce chaos. Ce n’était sans doute que l’étape avant un tel désespoir, sauf qu’elle avait eu la chance de ne pas être seule aussi longtemps. Ses orbes azurs se posèrent sur une forme aux côtés de Marvin, ça ressemblait à une poupée.

- Depuis deux ans j’ai… disons des terreurs nocturnes aussi. Je revois les gens que j’ai perdu, mais c’est chaque fois pire. Est-ce… est-ce qu’elle vous aide ? Interrogea-t-elle en désignant sa compagnie artificielle du menton.
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Re: Nameless II

Mar 17 Avr 2018 - 19:57


NAMELESS XX
En quête d'un nom... Deuxième partie.


4401 E Marginal Way S, Seattle, WA 98134 NO MAN'S LAND


Marvin devait avoir une certaine pudeur. Aussitôt qu'April s'était approchée, il avait commencé à essuyer ses larmes, comme gêné de pleurer. Mais suite à cela, l'homme semblait soulagé d'avoir éclaté. Cela lui permettait d'évacuer ce qu'il n'avait pas fait depuis des années. Si on se remontait chaque événement de la vie de Marvin, cet individu était l'archétype de l'homme fort, infaillible et sans faiblesses aux yeux de tous. Une sorte de patriarche sans doute. Il était donc difficile, de se rappeler un moment, où il avait fondu en larmes en public, mais surtout de façon si soudaine et spontanée.

« Est-ce... Est-ce qu'elle vous aide ? » Je fais mine de ne pas comprendre là où elle veut en venir sur le coup, je fronce les sourcils. Je me retourne ensuite et je pointe du doigt la poupée. «  Ca ? » La voix encore tremblante. Je prend Lucy et je la pose sur mes genoux. « Ca c'est un souvenir de ma fille. » Merde, non je ne devrai pas mentir comme ça, je reprend subitement, en riant doucement « Hem... Non en vérité, c'est pour éviter de perdre la tête. — j'ai du mal à trouver mes mots — L'homme est un animal social. Il a besoin de parler sinon il revient à l'état sauvage. Cela me permet de ne pas oublier quelques notions bêtes. Dans mon cas ça a marché à moitié. Je peux toujours m'exprimer correctement mais j'ai perdu la raison ces temps-ci. Je ne savais pas que je réussirai à être aussi abruti par autant de violence. Cette poupée... hem... Je l'ai baptisée Lucy, mais maintenant je pense que je n'en aurai plus besoin. Je me suis égaré un temps. Une erreur de la vie. Nous sommes tous humains, on a le droit aux erreurs n'est ce pas ? »

La poupée n'est pas très belle. Quelques bouts de tissus dépassent, on voit encore les traces de la couture. Les couleurs en elles même ne sont pas très jolies, un blanc moche voir même plutôt blanchâtre. Une peau pâle qui aurait pu être prêtée à un mort à vrai dire. Les cheveux sont noirs, lisses. De la manière dont on les coiffe, Lucy a une banane hérissée, qui lui donne un air apeurée. Quand on les coiffe devant, une frange grotesque lui recouvre une partie de son visage. Ses yeux sont de simples boutons gris, dont les pupilles blanches sont les deux petits trous au milieu. Lucy porte une salopette, qui avec le temps et l'humidité, a commencée à se détériorer. Le tissu défait aux extrémités évoque brièvement l'état de décomposition de certains marcheurs. En règle générale, on offrirait ça à un collectionneur de poupées vaudou plutôt qu'à une petite fille de sept ans. Mais Lucy avait un certain style qui aurait pu plaire à certains. De quoi faire une bonne mascotte.

Marvin se révèle peu à peu à April, plus il parle, plus sa voix cassée et rauque, enfouie sous son affreuse barbe, devient fluide. Bien entendu, il sent toujours mauvais et ses habits trempés de sueur sont toujours aussi charmants. Mais on ne reconnaîtrait pas Marvin s'il prenait une bonne douche à l'heure actuelle. Et s'il se rasait évidemment. Dans ses paroles l'homme a quand même beaucoup de prétention. Il a l'air de connaître des techniques pour ''rester stable'', et se montre beaucoup moins stupide qu'au premier abord.  Du moins, il semble affirmer quelque chose comme si c'était tout à fait évident pour lui. Mais on aurait du mal à le croire, vu dans quel état ce stratagème de ''poupée'' l'a amené, et en arriver à en oublier les saisons jusqu'à preuve du contraire.  Qui est t'il ? Peut être un habitué des randonnées et des excursions en forêt. Ou juste quelqu'un qui est plus futé que les autres. D'ailleurs, son langage est riche et soutenu avec quelques mots très familiers de temps en temps. Classe aisée, études longues certainement. Encore un riche. C'était des clichés mais à quelques détails près on pouvait essayer de deviner son ancienne vie. Ca aurait pu être un jeu amusant.

On aurait pu passer en revue tous les métiers qui collaient bien à sa tête. D'un job évident comme veilleur ou videur — car Marvin était, il fallait l'admettre très baraqué avec une certaine gueule —  jusqu'à des jobs burlesques et inimaginables. Boxeur à la retraite ? Sénateur ? Ou bien agent secret ? Ou astronaute ? Ca serait la meilleure. Ou allons donc au plus simple : un type ruiné, un sans-papiers,  comme quoi on aurait pu ne pas chercher trop loin après tout.


« Ok, ok, ça va aller, Marvin, vous êtes avec moi ? »
Sur le coup je ne réagis pas, je suis encore sous le choc. Des souvenirs douloureux reviennent en moi. Des images terrifiantes. Puis, je sens à nouveau une main qui me fait ressurgir à la surface.
Cette femme, elle tente de me consoler, j'apprécie beaucoup ce geste, serait-ce une main vers une seconde chance ? C'était ça, je la saisissais alors rapidement. « Depuis deux ans j'ai... disons des terreurs nocturnes aussi. Je revois les gens que j'ai perdu, mais c'est chaque fois pire. »  Je ne savais pas quoi répondre. Je souris malencontreusement. Je me sens le plus malheureux du monde, je ne peux pas aider les autres si je suis moi même en difficulté. Merde, il faut que je trouve quelque chose.

« Je compatis avec vous April. Cette vie est dure. Bien trop dure pour tout le monde. Si les adultes sont incapables de se gérer eux mêmes, Je n'imagine même pas comment les enfants peuvent endurer cette vie... Je ne sais même pas ce que sont devenus les miens. Vous... Vous avez des enfants ? Enfin... Vous en aviez ? Pardon, je ne devrai pas poser ce genre de questions... C'est trop indiscret. — silence. —
Les gens avec qui j'étais avant. C'était... C'était une dictature. Au début, nous étions en sécurité, nous pensions être à l'abri des marcheurs, mais nous avions négligé la cupidité et l'avarice de l'être humain. Notre chef était bon et juste, mais certains étaient divisés, on ne lui faisait pas confiance. Il a été assassiné. Une partie a pris rapidement le contrôle du camp. Ils ont fait abattre ce qui s'opposaient. Nous voulions nous enfuir au début. Mais nous étions enfermés, on ne voulait pas nous laisser partir. Ce n'est que plus tard, que j'ai pu. Mais c'était déjà trop tard. Nous avions été surpris par une horde déferlante au lever du jour. Personne n'y a échappé, je crois bien en être le seul rescapé d'ailleurs. Là bas j'avais reconstitué une famille. Tous morts ou bien disparus maintenant... »

On entend le crépitement des flammes très près. Le silence englobe l'entrepôt. Tout le monde dort.

J'examine à nouveau April de la tête aux pieds. Je réfléchis. Etrange. Comment cette femme pourrait t'elle voyager seule, et à avoir des habits aussi propres, comme mis la veille ? Un pistolet déchargé et pas un seul truc à manger dans son sac... C'est louche. Non cette femme est loin d'être seule et isolée. Elle habite sans doute quelque part dans le coin et je vais très vite le savoir.

« Et vous ? Vous êtes seule depuis longtemps ? » J'insinue légèrement. Cette fois je change de ton, épris de ma curiosité.

Une chose est sûre. Marvin n'a pas vu ses enfants périr. Peut être étaient t'ils déjà majeurs quand tout a commencé. Ou peut être n'étaient t'ils pas au même endroit que le père à cette période. Parents divorcés ? Peut être...



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